Dominique Willems
Université de Gand
 

SÉMANTIQUE ET SYNTAXE CONTRASTIVE.

Le dictionnaire contrastif des valences verbales :

prÉsentation et illustration

Dans la vaste problématique de l’apprentissage multilingue, une des questions centrales est celle des outils nécessaires à un enseigne­ment efficace des langues étrangères. Nous aimerions souligner ici l’importance de données contrastives fiables et exhaustives. Il paraît évident qu’une connaissance – pour le moins chez l’enseignant – des convergences et différences essentielles sur le plan grammatical et lexical entre la langue maternelle de l’apprenant et les langues à enseigner ne peut être que profitable (cf. Willems 1998). Lors de l’établissement de nos projets contrastifs, nous avons été à chaque fois frappés par le caractère peu systématique et peu complet des analyses contrastives existantes, même pour les « grandes » langues.

1. Présentation

1.1. Brève historique

La recherche contrastive à l’Université de Gand[1] remonte à une quinzaine d’années. Elle a débuté à la fin des années 80 par l’établissement d’une grammaire contrastive néerlandais/français/anglais, qui avait pour but une description minutieuse des différences et des similitudes entre les trois langues dans le domaine du SN et de l’organisation de la phrase et l’établissement d’une terminologie grammaticale uniforme et cohérente[2]. Assez rapidement, la nécessité d’un complément lexical s’est fait sentir, en particulier dans le domaine du verbe : les constructions verbales et leur interprétation posent en effet beaucoup de problèmes lors de l’apprentissage des langues étrangères et aucun relevé exhaustif pour ces trois langues n’existe à ce jour. La grammaire lexicalisée est en effet un domaine qui n’est recouvert ni par les grammaires, ni par les dictionnaires.
 

Dès 1993, l’équipe contrastive gantoise s’est attelée à la tâche d’élaborer un dictionnaire contrastif des valences verbales (dorénavant CVVD) pour les trois langues[3]. En ce qui concerne le nombre de lexèmes verbaux, l’objectif poursuivi est la description d’environ 500 verbes pour chacune des langues[4]. En novembre 2001, quelque 220 lemmes ont été décrits[5].

1.2. Les spécificités du CVVD

L’originalité du CVVD peut être résumée en trois points essentiels :
 

(1)Contrairement aux dictionnaires bilingues existants, l’approche est multidirectionnelle et la description exhaustive pour les trois langues (tant sur le plan des structures que des sens verbaux, sur le plan des différences que des similitudes).
 

(2)L’établissement d’un rapport systématique et explicite entre sens et structure est un des aspects essentiels du CVVD : pour chaque sens distingué, les diverses structures syntaxiques possibles sont énumérées, ce qui permet de mesurer de façon précise pour chaque langue le rapport entre sens et syntaxe[6].
 

(3)Le CVVD vise à refléter l’usage réel de la langue contemporaine : les données sont donc établies inductivement à partir d’une analyse de corpus d’exemples réels[7]. La confrontation avec les dictionnaires ne vient que par après et sert essentiellement à vérifier l’exhaustivité de l’analyse et à combler les lacunes éventuelles. La démarche inductive à partir de corpus ajoute au projet une dimension statistique précieuse.
 

Les différences d’approche entre les dictionnaires bilingues classiques et le CVVD peuvent être représentées schématiquement par les deux figures ci-dessous (cf. B. Defrancq 1999 : 61) :


 
 


Pour les dictionnaires bilingues seul le lexème de la langue source reçoit un traitement syntaxique, si minime soit-il. Pour la langue cible, on assiste le plus souvent à une pure juxtaposition d’équivalents lexicaux, sans information sémantique ni syntaxique explicite (cf. figure 1 ; pour une analyse détaillée des différences cf. D. Noel et al. 1996).
 

L’exemple du verbe traiter[8]illustre bien la démarche : les différents emplois, précédés d’une brève caractérisation syntaxique, sont suivis d’une série d’équivalents entre lesquels il est souvent difficile de choisir et où c’est surtout la variété qui frappe : ainsi pour le néerlandais, on trouve à côté de behandelen, qui domine numériquement, également les autres dérivés handelen, onderhandelen, verhandelen mais aussi spreken over, bejegenen, onthalen, verwerken, bespuiten etc. Le dictionnaire bilingue français-anglais, tout en privilégiant la traduction par to treat, mentionne également un grand nombre de lexèmes, tout en précisant mieux que leur équivalent néerlandais, souvent au moyen d’un exemple traduit, leurs modalités d’emploi : to call, to process, to entertain, to serve well, to negotiate, to handle, to deal with etc.

Le CVVD ne peut se contenter d’une telle présentation : la langue source et la langue cible y sont traitées de la même façon et le but poursuivi est de présenter une information syntaxique explicite pour chaque lexème. Comme représenté dans la figure 2, l’option qui a été prise est de limiter le nombre d’équivalents lexicaux de la langue cible à un seul (cf. infra la notion de ‘proto-équivalent’), tout en renvoyant à l’intérieur de l’article à d’autres lexèmes, si nécessaire.

1.3. Les étapes constitutives
 

Comme la comparaison ne concerne qu’un verbe de chaque langue à la fois (cf. fig.2), elle implique la sélection préalable dans les langues cibles d’un verbe qui corresponde le mieux au lexème dans la langue source et auquel nous avons donné le nom de « proto-équivalent ». Le choix se fait selon deux paramètres : le paramètre traductif (le proto-équivalent correspondra à la traduction numé­riquement la mieux représentée (le lexème qui partage le plus grand nombre de sens avec le lexème de la langue source) et un paramètre de fréquence (la fréquence de chacun des sens à l’intérieur de l’unité lexicale)[9]. Dans le cas du verbe traiter, le choix s’est révélé facile : pour le néerlandais, l’équivalent à la fois le plus fréquent et présentant le plus de sens partagés est le verbe behandelen ; pour l’anglais le verbe to treat répond aux mêmes critères. Pour d’autres verbes le choix s’est révélé plus délicat (cf. Devos 96, Defrancq 99).
 

Les chercheurs procèdent ensuite à l’analyse monolingue séparée des exemples des corpus respectifs : quelque 200 exemples par verbe suffisent en principe pour relever l’ensemble des emplois du verbe[10]. Les divers sens sont distingués ainsi que les structures correspondantes[11]. Les sens sont ensuite declassés en ordre décroissant de fréquence. Une comparaison avec les dictionnaires monolingues permet de découvrir les lacunes éventuelles. Dans ce cas la recherche sur corpus est poursuivie.
 

Viennent ensuite la confrontation des langues, la décision définitive en ce qui concerne le choix du proto-équivalent et la consti­tution du lemme contrastif.

2. Illustration : le lemme contrastif traiter/to treat/ behandelen
 

Le lemme contrastif, qu’on trouvera en annexe, est constitué de deux parties : l’article contrastif à proprement parler et les exemples.

L’article prend comme point de départ (colonne de gauche, chiffres romains) les différents sens (ou groupes de sens) relevés pour l’ensemble des trois verbes concernés. Il s’agit donc d’une somme sémantique, dont chaque langue ne présente généralement qu’une partie[12]. Dans le cas du lemme choisi, 11 sens différents ont été relevés, dont traiter en présente 9, behandelen 8 et treat 7. Cinq sens – dont les 4 plus fréquents - sont partagés par les trois verbes, 3 sens se retrouvent pour 2 verbes, 4 sens n’ont été relevés que pour un seul verbe. En cas de case vide, l’article renvoie au moyen d’une flèche au verbe équivalent (en italiques), qui sera traité ailleurs dans le dictionnaire. Les sens sont présentés en ordre décroissant de fréquence et par sens, une brève définition est proposée.
 

À côté de chaque sens, le tableau présente en trois colonnes, une pour chaque langue, les structures formelles qui réalisent le sens en question (chiffres arabes). Les structures, spécifiant la forme syntaxique (et parfois lexicale) du sujet et des compléments, sont présentées en ordre croissant de complexité syntaxique.
 

Faute de place dans le tableau, les exemples suivent l’article. Ils sont présentés en suivant l’ordre de l’article et recouvrent tous les emplois (2 à 4 exemples par structure et par langue). Les exemples proviennent en principe des corpus de base. Dans quelques rares cas, pour des sens non attestés, les exemples sont fournis par la tradition lexicographique. Certains exemples sont suivis d’étiquettes ou d’indications en rapport avec l’usage[13]: des spécificités lexicales ou des caractéristiques conce­rnant le niveau de langue ou le registre (ex. AE : american english). 

3. Analyse contrastive
 

Le lemme présente un large noyau commun, qui recouvre les emplois les plus fréquents dans chacune des langues concernées. Pour le français, il s’agit des emplois représentés par les exemples suivants : traiter les clients dignement/en adultes ; traiter (d’) un sujet universel ; traiter un problème (un mal) ; traiter quelqu’un contre (pour) une maladie ; traiter les puits avec (à) du chlore. Les trois derniers emplois pourraient être regroupés sémantiquement, les nuances de sens du verbe étant largement tributaires de la classe lexicale du lexème complément. Les trois langues présentent globalement les mêmes structures, bien que des différences puissent se présenter quant aux prépositions utilisées (p. ex. sens II : la possibilité d’une préposition en français dans traiter de, qui s’oppose aux structures directes des deux autres langues ; sens IV traiter contre /v/ voor (nld), for (angl.)), ou quant à la possibilité d’ellipse du complément.(sens IV en néerlandais).
 

Traiter et treat ont encore quelques emplois en commun, dans le domaine de la négociation (traiter avec un mouvement insurgé ; les entreprises traitent entre elles), pour lesquels le néerlandais fait appel à un autre lexème, présentant la même racine, mais un autre préfixe (onderhandelen). Ceci constitue une des caractéristiques fondamentale du néerlandais, qui exploite systématiquement la stratégie dériva­tionnelle préfixale pour rendre diverses nuances sémantiques[14].
 

Traiter et behandelen partagent d’autre part deux autres nuances de sens factitives (traiter un dossier ‘travailler à’, traiter l’information ‘transformer’) pour lesquelles l’anglais utilise un lexème spécifique (to process, to deal).
 

Chacune des langues présente d’autre part une extension de sens spécifique : dans le domaine de la dénomination (péjorative) pour traiter (traiter quelqu’un d’imbécile), dans le domaine du comportement (mélioratif) pour to treat (= ‘régaler’) (to treat someone to a breakfast). Le verbe néerlandais behandelen présente un emploi particulier, en accord avec son sens dérivationnel (hand = ‘main’), traduit conformément en français par les verbes manier ou manipuler et par le verbe to handle en anglais.
 

Il est toutefois intéressant de constater que les deux sens, absents en français contemporain, sont relevés dans les dictionnaires historiques de la langue : traiter dans le sens de ‘manipuler’ est attesté dès le XIIe siècle et se retrouve encore au XVIIe ; d’autre part traiter qqn s’emploie au XVIe siècle pour ‘recevoir à sa table comme invité’[15]. Ce dernier emploi se retrouve encore fréquemment dans les dictionnaires contem­porains, accompagné de l’étiquette littéraire.


 

Les découpages sémantiques différents des trois langues peuvent être représentés de la façon suivante (figure 3). Les cercles représentent les sens principaux et leurs extensions éventuelles ; le rectangle central regroupe les sens partagés par les trois langues ; à la périphérie on retrouve les sens attestés dans deux langues ou dans une seule.


 


En résumé, on relève, pour notre lemme traiter/behandelen/to treat, trois noyaux sémantiques partagés, avec des extensions variables et un sens périphérique, qui ne se retrouve, pour la langue actuelle, qu’en néerlandais. 



4. Intérêt linguistique des données contrastives

4.1. La mise en rapport sens-structure
 

Le CVVD présente de façon explicite le rapport entre sens et structure, chaque sens étant accompagné des structures qui le manifestent. Il permet donc de mesurer de façon précise le lien entre syntaxe et sens. Si le lien n’est pas isomorphique, dû en particulier à la polyvalence de certaines structures syntaxiques[16], il s’est révélé particulièrement étroit, et ce pour les trois langues étudiées : dans de nombreux cas, il y a des corrélations systématiques entre sens différents et comportements syntaxiques différents. Ceci permet dans une large mesure de prédire le sens à partir de la structure et vice versa. Ainsi, dans le cas de traiter, on peut établir les corrélations suivantes :


 

traiter SNh MAN ®‘se comporter d’une certaine façon avec quelqu’un’
 

traiterde SN®‘prendre en considération dans un texte’
 

traiter SNhde SA®‘appeler qqn d’un certain nom’


 

traiter avec SNh®‘négocier’
 

traiter SNh®‘soigner’
 

traiter SN-havec SN-h®‘enduire’


 

Reste la structure traiter SN-h, qui, selon la sélection lexicale du complément, peut prendre divers sens, mais qui répondent néanmoins tous à une paraphrase générale du type ‘agir sur’. 


 

De telles corrélations dépassent par ailleurs les lexèmes particuliers : des généralisations sont possibles, permettant de lier systématiquement des classes sémantiques de verbes et des propriétés syntaxiques.



4.2. La polysémie verbale : régularités et spécificités
 

La conception du CVVD favorise au maximum la polysémie par rapport à l’homonymie : ce fait facilite grandement l’étude des extensions de sens et permet de situer avec précision les limites de la polysémie dans chaque langue et de découvrir certains critères qui la sous-tendent. Une analyse de la polysémie verbale dans les trois langues révèle des correspondances intéressantes, et ceci au-delà des différences de famille. Ainsi, le passage bien connu des verbes de ‘préhension’, tels prendre ou saisir (un objet) vers des verbes de cognition : comprendre, saisir(un argument) se retrouve dans les trois langues étudiées (néerl. grijpen – begrijpen ; snappen ; angl. to grasp, to catch). Ceci n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres et la découverte des polysémies régulières constitue sans aucun doute un aspect particulièrement passionnant de l’analyse.

4.3. Les similarités et les différences
 

Au-delà d’un simple relevé exhaustif des similitudes et des différences entre les trois langues sur le plan syntaxique, sémantique et lexical, qui permet de prédire les difficultés auxquelles on peut s’attendre pour l’apprentissage, le projet devrait mener à des réflexions plus fondamentales sur la structure sémantique des trois langues, sur les stratégies conceptuelles et lexicales différentes, le lemme constituant en quelque sorte la toile de fond sur laquelle les diverses langues peuvent être projetées.

4.4. La notion de "langue voisine"
 

Sans vouloir nier en quoi que ce soit la spécificité des liens de famille dans une approche comparative des langues, nous aimerions toutefois plaider pour une vue plus diversifiée de la notion de proximité linguistique : des rapports de voisinage lient en effet des langues de familles différentes et notre expérience dans le domaine contrastif néerlandais/français/anglais nous montre que les ressemblances entre ces trois langues sont importantes et que les différences ne se situent pas toujours là où on les attend. Ainsi, assez régulièrement, le néerlandais se rapproche du français, plutôt que de l’anglais, qui à son tour se rapproche parfois plus du français que du néerlandais. Etant donné les rapports géographiques et les aléas historiques, ceci ne devrait bien sûr pas nous étonner.

Références
 

Contragram, Quarterly Newsletter of the Contrastive Grammar Research Group of the Université of Ghent.

Defrancq, B. (1999) : « Le proto-équivalent : essai de falsification par le corpus de textes traduits », Le Langage et l’Homme XXXIV, 1 : 59-72. 

Devos, F. (1996) : « Contrastive verb valency : overview, criteria, methodology and applications », A.-M. Simon-Vandenbergen et al. (eds.), 15-81. 

Devos, F., Defrancq, B. & Noël D. (1996) : « Contrastive verb valency and conceptual structures in the verbal lexicon » Language Sciences 18, 1-2 : 319-338. Also in : K. Jaszczolt and K. Turner (eds.) (1996) Contrastive Semantics and Pragmatics. I. Meanings and Repre­sentations. Oxford : Pergamon. 

Devos, F., De Muynck R. & Van Herreweghe M. (1991). Nederlands, Frans en Engels in contrast. I. De nominale constituent, Leuven : Peeters.

Devos, F. De Muynck R. & Martens L. (1992). Nederlands, Frans en Engels in contrast. II. De zin, Leuven : Peeters. 

Noël, D. (1996). « Grammar in bilingual dictionaries : Contrasting English/French dictionaries and the CVVD », A.-M. Simon-Vandenbergen et al. (eds.), 83-123. 

Noël, D., Defrancq B. & Devos F. (1997) : « How much grammar is there/could there be in bilingual dictionaries ? », Linguistica Antverpiensia XXXI : 83-94. 

Noël, D., Devos F. & Defrancq B. (1996) : « Towards a more grammatical bilingual dictionary », M. Gellerstam et al. (éds) Euralex ‘96 Proceedings I-II : Part II. Göteborg : Göteborg University, Department of Swedish : 597-607. 

Simon-Vandenbergen A.-M., Taeldeman J. & Willems D.(eds) (1996) : Aspects of Contrastive Verb Valency. (=Studia Germanica Gandensia, 40.) Gent : University of Gent. 

Willems, D. (1997) : « Approche contrastive et compréhension multilingue : de la théorie à la pratique », in : M. Slodzian & J. Souillot (éds), Actes du séminaire de Bruxelles ‘Compréhension multilingue en Europe’. Paris : CRIM-INALCO. 25-32. 

Annexe 1 : Traiter dans deux dictionnaires bilingues (F –N ; F- A)


 

a. Van Dale, Groot woordenboek Frans-Nederlands (1986)
traiter [tr?te] (f) (®to3) I (onov. ww.) 0.1 onderhandelen 0.2 (vero.) handelenÞspreken¨6.1~ avec qn. sur qc. met iem. Over iets onderhandelen 6.2~ de handelen, spreken over ; II (ov. ww.) 0.1 behandelenÞbejegenen0.2 uitscheldenÞuitmaken0.3 (schr.) onthalenÞtrakteren0.4 (hand.) onderhandelen overÞbehandelen, verhandelen 0.5 behandelenÞuiteenzetten, bespreken 0.6 (techn.) bewerkenÞbehandelen0.7 (comp.) verwerken 0.8 (landb.) (groenten) bespuiten¨1.1 ~ un malade een zieke behandelen ; ~ qn. humainement iem. menselijk behandelen 1.3 ~ qn. en lui offrant un bon repas iem. op een goed maal onthalen 1.4 ~ une affaire over een zaak onderhandelen1.5 ~ une question een vraagstuk behandelen1.6 ~ un minerai een erts bewerken ; ~ du pétrole olie raffineren1.7 ~ l’information informatie verwerken4.2 (wkg.) se ~ de voleur elk. voor dief uitmaken4.4 (wederk.) le blé se traitait à cent francs het graan werd voor honderd frank verhandeld 6.1 ~ qn. d’égal à égal met iem. op voet van gelijkheid omgaan ; ~ qn. de menteur iem. Voor leugenaar uitmaken ; ~ qn. de fou iem. voor gek uitmaken ; ~ qn. de tous les noms* 8.1 ~ qn. Comme un chien iem. honds behandelen.




 

b. Harrap’s Standard Dictionary French-English (1994)
traiter [trete], v.tr. to treat. 1. (a) to behave towards (s.o.) ; vous m’avez fort bien traité, you have treated me very kindly, very well ; sa tante la traite mal, her aunt treats her badly, unkindly ; her aunt is unkind, F : beastly, to her ; t.qn avec civilité, to treat s.o. courteously, politely ; t. qn de haut en bas, to be patronizing to s.o. ; t. qn comme un chien, to treat s.o. like a dog ; t. qn comme un ami, en ami, to treat s.o. like, as, a friend ; t. qn en enfant, to treat s.o. like, as, a child ; t.qn d’égal, to treat s.o. as an equal ; (b) to call, style ; t. qn de lâche, d’enfant, to call s.o. a coward, a child ; ils se traitaient d’imbéciles, they called each other fools ; (c) Med : t. un malade, une maladie, to treat a patient, a disease ; se faire t. d’un cancer, to undergo treatment for cancer ; (d) Ind : to process ; t. le quartz par le mercure, to treat quartz with mercury ; (e) esp. Lit : to entertain (s.o.) ; il nous a traités magnifiquement, he gave us a magnificent reception, a superb dinner ; restaurateur qui traite bien ses clients, restaurateur who serves his customers well. 2. (a) to negotiate (deal, marriage, etc.) ; to handle (business) ; t. une opération avec qn, to transact a piece of business with s.o. ; le blé se traitait à cent francs le quintal, wheat was being dealt in at a hundred francs a quintal ; (b) to discuss, handle, deal with (subject) ; t. une question, to treat, deal with, a question ; t. légèrement les choses, to make light of things. 3. v.i. (a) to negotiate, deal ; t. de la paix, abs. A : traiter, to treat for peace ; t. avec ses créanciers, to treat, negotiate, with one’s creditors ; t. pour un nouveau local, to negotiate, be in treaty, for new premises ; (b) (of book) t. d’un sujet, to treat of, deal with, a subject ; chapitre qui traite de…, chapter dealing with…


Annexe 2 : Traiter et ses équivalents néerlandais et anglais dans le CVVD


 

behandelen
traiter
treat
I. 
‘zich op een bepaalde manier gedragen ten opzichte van iemand’ 

‘se comporter d’une certaine façon envers quelqu’un’ 

‘to behave towards somebody in a particular way’

NP ____ NP MAN 

2.

NP ____ NP als NP 

NP ____ NP MAN 

2.

NP ____ NP comme / en NP 

NP ____ NP MAN 

2.

NP ____ NP as / like NP

II. 
‘bespreken of beschrijven voor een publiek’ 

‘prendre en considération dans un texte ou une présentation’ 

‘to deal with something in a text or presentation’ 

NP ____ NP (MAN) 
NP ____ (de) NP (MAN) 
NP ____ NP (MAN) 
III. 
‘een oplossing of een remedie zoeken voor een probleem, een ziekte’ 

‘chercher une solution ou un remède pour un problème, une maladie’ 

‘to try to resolve a problem or cure an illness’ 

NP ____ NP 
NP ____ NP 
NP ____ NP 

 
IV. 
‘iemand geneeskundig verzorgen’ 

‘apporter des soins médicaux à quelqu’un’ 

‘to give medical care to somebody’

NP ____ 

2.

NP ____ NP (MAN) 

3.

NP ____ NP voor NP 

® 2. 

2.

NP ____ NP (MAN) 

3.

NP ____ NP contre NP 

® 2. 

2.

NP ____ NP (MAN)

3.

NP ____ NP for NP 

V. 
‘op de vereiste wijze uitvoeren’ 

‘travailler à quelque chose en suivant une procédure’ 

‘to take the correct action for something that has to be done’ 

NP ____ NP (MAN)
NP ____ NP (MAN)
®deal / process
VI. 
‘iemand een verwijt maken’ 

‘appeler quelqu’un d’un certain nom’ 

to call somebody a name’ 

1. 
®uitschelden / verslijten
NP ____ NP de C
1. 
®call
VII. 
‘iemand iets betalen om hem een plezier te doen’ 

‘payer quelque chose à quelqu’un pour lui faire plaisir’ 

‘to give somebody something enjoyable at one’s own expense’ 

1. 
®trakteren
1. 
®payer
NP ____ NP to NP


 

VIII. 
‘iets veranderen om het geschikt te maken voor een bepaald gebruik’ 

‘transformer quelque chose pour le rendre apte à un certain usage’ 

‘to transform something in order to make it suitable for a particular purpose’ 

NP ____ NP /
®verwerken
NP ____ NP
1. 
®process
IX. 
‘iets insmeren met een stof of veranderen om het te beschermen of te bewaren’ 

‘appliquer une substance ou un procédé à quelque chose de façon à le protéger ou préserver’ 

‘to apply a process or substance to something to protect or preserve it’ 

NP ____ NP (met NP)
NP ____ NP (à/avec NP) (contre NP) 
NP ____ NP (with NP)
X. 
‘via een discussie een akkoord met iemand te proberen te bereiken, onderhandelen’ 

‘essayer en discutant d’arriver à un accord avec quelqu’un, négocier’ 

‘to try and reach an official agreement with somebody, negotiate’ 

1. 
®onderhan-delen / heulen

2. 

®onderhan-delen / heulen

3. 

®onderhan-delen / heulen

NP ____ 

2.

NP ____ avec NP 

3.

NPi ____ entre NPi

®negotiate

2.

NP ____ with NP

3.

® 2.


 

XI. 
‘iets met de handen vastnemen of aanraken’ 

‘prendre ou toucher quelque chose avec les mains’ 

‘to pick up or touch sth with your hands’ 

NP ____ NP
1. 
®manier/mani-puler
1. 
®handle

voorbeelden – exemples – examples[17]

NL

I.1.

Eerst ging ik tanken, bleef achter het stuur zitten, werd door de bediende hoffelijk behandeld

I.2

De UNHCR, die Letland heeft gehekeld omdat het de vluchtelingen « als vee » behandelt, is na een onderzoek ter plaatse tot de conclusie gekomen dat de groep « veel potentieel authentieke asielzoekers bevat ». 

FR

I.1

Outre le fait qu’ils ont mis un terme au marchandage sur les prix, « ils ont eu la bonne idée de traiter les clients dignement », reconnaît François Castaing, vice-président de Chrysler. 

I.2

Le sentiment d’identification peut être imposé du dehors : que d’Allemands juifs qui ne sont devenus juifs en Allemagne que parce que Hitler les voyait, les voulait tels, les traitait comme tels ! 

Pierre-André Wiltzer, député [...] de l’Essonne, a critiqué, jeudi 6 janvier, l’annonce des nouveaux tarifs des communications téléphoniques en indiquant que France Telecom «  aurait pu traiter ses abonnés en adultes et en citoyens ». 

EN

I.1

As a member of the Gloucestershire Warwickshire Railway’s Publicity Department I believe that members of the general public are treated in a friendly and courteous manner when they visit our line. 

« I knew I was treating you badly, but I didn’t know why, not at first ».

I.2

Builders were treated as craftsmen and learnt to work alongside this new generation of client, who treated them as a fount of all wisdom. 

He treated her like an incompetent subaltern.

NL

II.1.

Het zesde en laatste deel van deze uitvoerig geïllustreerde reeks behandelt de wisselwerking tussen technische veranderingen en het maatschappelijke leven. 

In dit rijk geïllustreerde werk wordt het schip vanuit verschillende perspectieven behandeld

FR

II.1.

Depuis lors, « Au nom de la loi » traite de « sujets de société, abordés sous l’angle juridique ». 

L’Homme rompu traite un thème universel, semblable et différent : l’impos­sibilité de rester intègre dans une société où la règle est la corruption du corps et de l’âme.

EN

II.1.

Extensive theory exists on the evaluation of indexes and indexing, but regrettably there is not space to treat this topic at any length here. 

NL 

III.1. 

De Hartstichting wil ook de diagnostiek voor vrouwen verbeteren, zodat klachten eerder herkend en behandeld kunnen worden. 

Als een plaatselijk kankergezwel chirurgisch wordt behandeld is het essentieel dat het kwaadaardige weefsel volledig wordt verwijderd. 

FR

III.1.

Est-il digne de légiférer de manière expéditive, en quelques heures, à l’improviste, non pour traiter un problème, mais pour provoquer une querelle ? “ 

Les causes ayant déjà été occultées, on s’affaire maintenant à traiter les symptômes. 

Comme personne n’était capable de traiter durablement son mal, ses performances commencèrent à en pâtir. 

EN

III.1.

As long as man eats unhealthy food (the product of unhealthy soil), even in the right proportions, the medical profession will perforce have to continue to treat the inevitable results. 

To treat a bacterial problem efficiently, it must be rapidly and correctly identified. 

NL

IV.1.

Als de pupil zich dan vernauwt vraag ik de patiënt of hij ‘s nachts de maan en het vuur kan zien. Als hij ja zegt is het oog behandelbaar en zal hij weer zien. Als hij nee zegt, dan is de lens dood en behandel ik niet. 

IV.2

Zes patiënten uit een oogheelkundige privékliniek in Rijswijk hebben bij behandeling aan staar een ernstige infectie opgelopen, waarvoor ze zijn overgeplaatst naar het Oogziekenhuis in Rotterdam. Daar worden zij behandeld met antibiotica.

IV.3

In Yola-Town, een gemeenschap van 12.000 inwoners, bekeek en ondervroeg hij 48 mensen, die behandeld waren voor staar. 

FR

IV.2

Il rappelait alors que, depuis le 23 décembre 1992, toute personne ayant été traitée par une hormone de croissance extractive devait être exclue du don de sang, afin de réduire le risque de contamination post-transfusionnelle par l’agent infectieux responsable de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. 

IV.3
Il gagne à être planté en situation aérée et traité préventivement contre la maladie des taches noires (4 m x 3 m). 

EN

IV.2

Others at the sale ran to a nearby hospital and returned with a doctor who treated the girl till an ambulance arrived. 

On the other hand, patients with locally confined but palpable disease who are treated by either radiotherapy or radical prostatectomy will show five year survival rates of 75–85% and will enjoy a life expectancy comparable to that of an aged matched male population. 

IV.3

This left him dreadfully depressed and he was treated for melancholia and insomnia.



[1]Le groupe de recherche Contragram réunit des chercheurs des départements de néerlandais, de français et d’anglais de l’Université de Gand. Pour toute information cf. le site Contragram : http ://bank.rug.ac.be/contragram/.
[2]Cf. Devos et alii (1991, 1992).
[3]Le projet est financé par le Fonds de la Recherche de l’Université de Gand. Il est scientifiquement encadré par le réseau international Collate (http ://bank.rug.ac.be/contragram/collate.html). Les chercheurs actuellement engagés dans le projet sont Timothy Colleman, Bart Defrancq et Dirk Noel.
[4]Pour le choix des lexèmes nous nous sommes basés sur les listes de fréquence pour les trois langues. Les verbes les plus fréquents, appartenant à la catégorie des (semi)-auxiliaires, n’ont toutefois pas été pris en considération.
[5]Dont un certain nombre peuvent être consultés sur le site web de Contragram.
[6]Le projet vise non seulement la rédaction du dictionnaire de valence, mais également une étude plus générale des rapports entre syntaxe et sémantique dans chacune des trois langues et ultérieurementà des généralisations en matière de conceptualisation dans le domaine verbal.
[7]Les corpus utilisés sont les suivants : pour le néerlandais le INL 5 Million Words Corpus ‘94 de l’université de Leiden, pour l’anglais le Lancaster-Oslo-Bergen (LOB) (élaboré dans les années 70 sous la direction de G. Leech et St. Johansson, pour le français un corpus journalistique du Monde(année 1994), complété par un corpus littéraire élaboré par G. Engwall (université de Stockholm) et un corpus de prose scientifique appartenant à l’Université de Gand. Pour une description plus détaillée, cf. Contragram 2 (1995).
[8]En annexe, on trouvera l’article traiter dans deux dictionnaires bilingues : Le Van Dale, Groot woordenboek Frans-Nederlands (1986) pour le couple français-néerlandais, le Harrap’s Standard Dictionary French-English (1994) pour le couple français-anglais. 
[9]Pour une analyse de la problématique de la recherche du proto-équivalent : cf. B. Defrancq, 1999.
[10]Au début du projet, nous procédions à une analyse de 1000 exemples par verbe : empiriquement nous avons pu réduire ce nombre à 150/200 exemples. 
[11]L’analyse syntaxique concerne essentiellement les compléments nucléaires et reste très proche de la réalité de l’usage. Peu de regroupements sont opérés. 
[12] Le choix de favoriser maximalement lapolysémie au détriment del’homonymie devrait constituer un meilleur point de départpour l’analyse comparée des extensions de sens.
[13]Y compris des indications de fréquence.
[14]Cf. aussi le verbe kijken (‘regarder’) qui se diversifie en bekijken, uitkijken, nakijken, toekijken, neerkijken op etc. Les autres langues déploient d’autres moyens syntaxiques et lexicaux pour rendre les mêmes nuances .
[15]Cf. Dictionnaire historique de la langue française, éd. Robert (sous la direction d’Alain Rey), ve traiter.
[16]En particulier la structure SN V SN.
[17]Par manque de place, nous ne présenterons les exemples que pour les quatre premiers sens ( I-IV) et nous les limiterons à un ou deux par structure.