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" Je travaillerai donc là " , dit - elle avec une expression enfantine . Elle regarda longtemps la tenture , les meubles , et toujours elle se retournait vers Luigi pour le remercier , car il y avait une sorte de magnificence dans ce petit réduit : une bibliothèque contenait les livres favoris de Ginevra , au fond était un piano .
Elle s' assit sur un divan , attira Luigi près d' elle , et lui serrant la main : " Tu as bon goût , dit - elle d' une voix caressante .
- Tes paroles me font bien heureux , dit - il .
- Mais voyons donc tout " , demanda Ginevra à qui Luigi avait fait un mystère des ornements de cette retraite .
Ils allèrent alors vers une chambre nuptiale , fraîche et blanche comme une vierge .
" Oh ! sortons , dit Luigi en riant .
- Mais je veux tout voir . " Et l' impérieuse Ginevra visita l' ameublement avec le soin curieux d' un antiquaire examinant une médaille , elle toucha les soieries et passa tout en revue avec le contentement naïf d' une jeune mariée qui déploie les richesses de sa corbeille .
" Nous commençons par nous ruiner , dit - elle d' un air moitié joyeux , moitié chagrin .
- C' est vrai ! tout l' arriéré de ma solde est là , répondit Luigi . Je l' ai vendu à un brave homme nommé Gigonnet .
- Pourquoi ? reprit - elle d' un ton de reproche où perçait une satisfaction secrète . Crois - tu que je serais moins heureuse sous un toit ? Mais , reprit - elle , tout cela est bien joli , et c' est à nous . " Luigi la contemplait avec tant d' enthousiasme qu' elle baissa les yeux et lui dit : " Allons voir le reste .
"
Au - dessus de ces trois chambres , sous les toits , il y avait un cabinet pour Luigi , une cuisine et une chambre de domestique . Ginevra fut satisfaite de son petit domaine , quoique la vue s' y trouvât bornée par le large mur d' une maison voisine , et que la cour d' où venait le jour fût sombre .
Mais les deux amants avaient le coeur si joyeux , mais l' espérance leur embellissait si bien l' avenir , qu' ils ne voulurent apercevoir que de charmantes images dans leur mystérieux asile .
Ils étaient au fond de cette vaste maison et perdus dans l' immensité de Paris , comme deux perles dans leur nacre , au sein des profondes mers : pour tout autre c' eût été une prison , pour eux ce fut un paradis .

LA VENDETTA (I, privé)
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