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Ginevra tremblait . Semblable à la colombe qui , traversant les mers , n' avait que l' arche pour poser ses pieds , elle ne pouvait réfugier son regard que dans les yeux de Luigi , car tout était triste et froid autour d' elle . Le maire avait un air improbateur et sévère , et son commis regardait les deux époux avec une curiosité malveillante .
Rien n' eut jamais moins l' air d' une fête . Comme toutes les choses de la vie humaine quand elles sont dépouillées de leurs accessoires , ce fut un fait simple en lui - même , immense par la pensée .
Après quelques interrogations auxquelles les époux répondirent , après quelques paroles marmottées par le maire , et après l' apposition de leurs signatures sur le registre , Luigi et Ginevra furent unis .
Les deux jeunes Corses , dont l' alliance offrait toute la poésie consacrée par le génie dans celle de Roméo et Juliette , traversèrent deux haies de parents joyeux auxquels ils n' appartenaient pas , et qui s' impatientaient presque du retard que leur causait ce mariage si triste en apparence .
Quand la jeune fille se trouva dans la cour de la mairie et sous le ciel , un soupir s' échappa de son sein .
" Oh ! toute une vie de soins et d' amour suffira - t - elle pour reconnaître le courage et la tendresse de ma Ginevra ? " lui dit Luigi .
à ces mots accompagnés par des larmes de bonheur , la mariée oublia toutes ses souffrances ; car elle avait souffert de se présenter devant le monde , en réclamant un bonheur que sa famille refusait de sanctionner .
" Pourquoi les hommes se mettent - ils donc entre nous ? " dit - elle avec une naïveté de sentiment qui ravit Luigi .
Le plaisir rendit les deux époux plus légers . Ils ne virent ni ciel , ni terre , ni maisons , et volèrent comme avec des ailes vers l' église . Enfin , ils arrivèrent à une petite chapelle obscure et devant un autel sans pompe où un vieux prêtre célébra leur union .
Là , comme à la mairie , ils furent entourés par les deux noces qui les persécutaient de leur éclat . L' église , pleine d' amis et de parents , retentissait du bruit que faisaient les carrosses , les bedeaux , les suisses , les prêtres .
Les autels brillaient de tout le luxe ecclésiastique , les couronnes de fleurs d' oranger qui paraient les statues de la Vierge semblaient être neuves .
On ne voyait que fleurs , que parfums , que cierges étincelants , que coussins de velours brodés d' or .
LA VENDETTA (I, privé)
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