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- Il était temps que vous finissiez , dit la baronne d' une voix émue .
- Pauvre mère !
- Ah ! Ginevretta , ma Ginevra bella ! "
Et le père jouait avec sa fille comme avec un enfant de six ans , il s' amusait à défaire les tresses ondoyantes de ses cheveux , à la faire sauter ; il y avait de la folie dans l' expression de sa tendresse .
Bientôt sa fille le gronda en l' embrassant , et tenta d' obtenir en plaisantant l' entrée de son Louis au logis ; mais , tout en plaisantant aussi , le père refusa . Elle bouda , revint , bouda encore ; puis , à la fin de la soirée , elle se trouva contente d' avoir gravé dans le coeur de son père et son amour pour Louis et l' idée d' un mariage prochain .
Le lendemain elle ne parla plus de son amour , elle alla plus tard à l' atelier , elle en revint de bonne heure ; elle devint plus caressante pour son père qu' elle ne l' avait jamais été , et se montra pleine de reconnaissance , comme pour le remercier du consentement qu' il semblait donner à son mariage par son silence .
Le soir elle faisait longtemps de la musique , et souvent elle s' écriait : " Il faudrait une voix d' homme pour ce nocturne ! " Elle était italienne , c' est tout dire .
Au bout de huit jours sa mère lui fit un signe , elle vint ; puis à l' oreille et à voix basse : " J' ai amené ton père à le recevoir , lui dit - elle .
- ô ma mère ! vous me faites bien heureuse ! "
Ce jour - là Ginevra eut donc le bonheur de revenir à l' hôtel de son père en donnant le bras à Louis . Pour la seconde fois , le pauvre officier sortait de sa cachette . Les actives sollicitations que Ginevra faisait auprès du duc de Feltre , alors ministre de la Guerre , avaient été couronnées d' un plein succès .
Louis venait d' être réintégré sur le contrôle des officiers en disponibilité . C' était un bien grand pas vers un meilleur avenir .
Instruit par son amie de toutes les difficultés qui l' attendaient auprès du baron , le jeune chef de bataillon n' osait avouer la crainte qu' il avait de ne pas lui plaire .
Cet homme si courageux contre l' adversité , si brave sur un champ de bataille , tremblait en pensant à son entrée dans le salon des Piombo . Ginevra le sentit tressaillant , et cette émotion , dont le principe était leur bonheur , fut pour elle une nouvelle preuve d' amour .

LA VENDETTA (I, privé)
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