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- Jean n' ira pas assez vite , s' écria l' impatient vieillard qui croisa les basques de son habit bleu , saisit son chapeau , l' enfonça sur sa tête , prit sa canne et partit .
- Tu n' iras pas loin " , lui cria sa femme .
En effet , la porte cochère s' était ouverte et fermée , et la vieille mère entendait le pas de Ginevra dans la cour . Bartholoméo reparut tout à coup portant en triomphe sa fille , qui se débattait dans ses bras .
" La voici , la Ginevra , la Ginevrettina , la Ginevrina , la Ginevrola , la Ginevretta , la Ginevra bella !
- Mon père , vous me faites mal . "
Aussitôt Ginevra fut posée à terre avec une sorte de respect . Elle agita la tête par un gracieux mouvement pour rassurer sa mère qui déjà s' effrayait , et pour lui dire : c' est une ruse . Le visage terne et pâle de la baronne reprit alors ses couleurs et une espèce de gaieté .
Piombo se frotta les mains avec une force extrême , symptôme le plus certain de sa joie ; il avait pris cette habitude à la cour en voyant Napoléon se mettre en colère contre ceux de ses généraux ou de ses ministres qui le servaient mal ou qui avaient commis quelque faute .
Les muscles de sa figure une fois détendus , la moindre ride de son front exprimait la bienveillance .
Ces deux vieillards offraient en ce moment une image exacte de ces plantes souffrantes auxquelles un peu d' eau rend la vie après une longue sécheresse .
" à table , à table ! " s' écria le baron en présentant sa large main à Ginevra qu' il nomma Signora Piombellina , autre symptôme de gaieté auquel sa fille répondit par un sourire .
" Ah çà , dit Piombo en sortant de table , sais - tu que ta mère m' a fait observer que depuis un mois tu restes beaucoup plus longtemps que de coutume à ton atelier ? Il paraît que la peinture passe avant nous .
- O mon père !
- Ginevra nous prépare sans doute quelque surprise , dit la mère .
- Tu m' apporterais un tableau de toi ? s' écria le Corse en frappant dans ses mains .
- Oui , je suis très occupée à l' atelier , répondit - elle .
- Qu' as - tu donc , Ginevra ? Tu pâlis ! lui dit sa mère .

LA VENDETTA (I, privé)
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