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Adieu . Autrefois je vous ai protégés , ajouta - t - il d' un ton de reproche . Sans moi , ta mère ne serait pas arrivée à Marseille , dit - il en s' adressant à Bonaparte qui restait pensif le coude appuyé sur le manteau de la cheminée :
- En conscience , Piombo , répondit Napoléon , je ne puis pas te prendre sous mon aile . Je suis devenu le chef d' une grande nation , je commande la république , et dois faire exécuter les lois .
- Ah ! ah ! dit Bartholoméo .
- Mais je puis fermer les yeux , reprit Bonaparte . Le préjugé de la Vendetta empêchera longtemps le règne des lois en Corse , ajouta - t - il en se parlant à lui - même . Il faut cependant le détruire à tout prix . "
Bonaparte resta un moment silencieux , et Lucien fit signe à Piombo de ne rien dire . Le Corse agitait déjà la tête de droite et de gauche d' un air improbateur .
" Demeure ici , reprit le consul en s' adressant à Bartholoméo , nous n' en saurons rien . Je ferai acheter tes propriétés afin de te donner d' abord les moyens de vivre . Puis , dans quelque temps , plus tard , nous penserons à toi .
Mais plus de Vendetta ! Il n' y a pas de maquis ici . Si tu y joues du poignard , il n' y aurait pas de grâce à espérer . Ici la loi protège tous les citoyens , et l' on ne se fait pas justice soi - même .
- Il s' est fait le chef d' un singulier pays , répondit Bartholoméo en prenant la main de Lucien et la serrant . Mais vous me reconnaissez dans le malheur , ce sera maintenant entre nous à la vie à la mort , et vous pouvez disposer de tous les Piombo . "
à ces mots , le front du Corse se dérida , et il regarda autour de lui avec satisfaction .
" Vous n' êtes pas mal ici , dit - il en souriant , comme s' il voulait y loger . Et tu es habillé tout en rouge comme un cardinal .
- Il tiendra qu' à toi de parvenir et d' avoir un palais à Paris , dit Bonaparte qui toisait son compatriote . Il m' arrivera plus d' une fois de regarder autour de moi pour chercher un ami dévoué auquel je puisse me confier . "
Un soupir de joie sortit de la vaste poitrine de Piombo qui tendit la main au Premier consul en lui disant : " Il y a encore du Corse en toi ! "

LA VENDETTA (I, privé)
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