----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Le chevalier de Valois crut avoir ressaisi tous ses avantages . Mais Mlle Cormon n' était point fille à comprendre la connexité que mettait le chevalier entre son souhait et le faux toupet , d' ailleurs , l' eût - elle comprise , sa main ne lui appartenait plus . M . de Valois vit bientôt que tout était perdu . En effet , l' innocente fille , en apercevant ces deux hommes muets , voulut les occuper .
" Faites donc tous deux un piquet " , dit - elle sans y mettre de malice .
Du Bousquier sourit , et alla , comme futur maître du logis , prendre la table de piquet . Le chevalier de Valois , soit qu' il eût perdu la tête , soit qu' il voulût rester là pour étudier les causes de son désastre , et y remédier , se laissa faire comme un mouton qu' on mène à la boucherie .
Il avait reçu le plus violent coup de massue qui puisse atteindre un homme , et un gentilhomme pouvait être étourdi à moins .
Bientôt le digne abbé de Sponde et le vicomte de Troisville rentrèrent . Aussitôt Mlle Cormon se leva , courut dans l' antichambre , prit son oncle à part et lui dit sa résolution à l' oreille . En apprenant que la maison de la rue du Cygne convenait à M .
de Troisville , elle pria son futur de lui rendre le service de dire que son oncle la savait à vendre . Elle n' osa pas confier ce mensonge à l' abbé , de peur d' une distraction .
Le mensonge prospéra mieux que si c' eût été une action vertueuse . Dans la soirée , tout Alençon apprit la grande nouvelle . Depuis quatre jours , la ville était occupée comme aux jours néfastes de 1814 et de 1815 .
Les uns riaient , les autres admettaient le mariage , ceux - ci le blâmaient , ceux - là l' approuvaient . La classe moyenne d' Alençon en fut heureuse , elle y vit une conquête .
Le lendemain , chez ses amis , le chevalier de valois dit un mot cruel .
" Les Cormon finissent comme ils ont commencé : d' intendant à fournisseur , il n' y a que la main ! "
La nouvelle du choix fait par Mlle Cormon atteignit au coeur le pauvre Athanase , mais il ne laissa rien transpirer des horribles agitations auxquelles il fut en proie . Quand il apprit le mariage , il était chez le président du Ronceret où sa mère faisait un boston .
Mme Granson regarda son fils dans une glace , elle le trouva pâle ; mais il l' était depuis le matin , car il avait entendu parler vaguement de ce mariage .

LA VIEILLE FILLE (IV, provinc)
Page: 910