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Plus elle s' avança vers cette fatale époque si ingénieusement nommée la seconde jeunesse , plus sa défiance augmenta . Elle affecta de se présenter sous le jour le plus défavorable , et joua si bien son rôle , que les derniers racolés hésitèrent à lier leur sort à celui d' une personne dont le vertueux colin - maillard exigeait une étude à laquelle se livrent peu les hommes qui veulent une vertu toute faite .
La crainte constante de n' être épousée que pour sa fortune la rendit inquiète , soupçonneuse outre mesure ; elle courut sus aux gens riches : et les gens riches pouvaient contracter de grands mariages ; elle craignait les gens pauvres auxquels elle refusait le désintéressement dont elle faisait tant de cas en une semblable affaire ; en sorte que ses exclusions et les circonstances éclaircirent étrangement les hommes ainsi triés , comme pois gris sur un volet .
à chaque mariage manqué , la pauvre demoiselle , amenée à mépriser les hommes , dut finir par les voir sous un faux jour .
Son caractère contracta nécessairement une intime misanthropie qui jeta certaine teinte d' amertume dans sa conversation et quelque sévérité dans son regard .
Son célibat détermina dans ses moeurs une rigidité croissante , car elle essayait de se perfectionner en désespoir de cause .
Noble vengeance ! elle tailla pour Dieu le diamant brut rejeté par l' homme .
Bientôt l' opinion publique lui fut contraire , car le public accepte l' arrêt qu' une personne libre porte sur elle - même en ne se mariant pas , en manquant des partis ou les refusant .
Chacun juge que ce refus est fondé sur des raisons secrètes , toujours mal interprétées . Celui - ci disait qu' elle était mal conformée , celui - là lui prêtait des défauts cachés ; mais la pauvre fille était pure comme un ange , saine comme un enfant , et pleine de bonne volonté , car la nature l' avait destinée à tous les plaisirs , à tous les bonheurs , à toutes les fatigues de la maternité .
Mlle Cormon ne trouvait cependant point dans sa personne l' auxiliaire obligé de ses désirs . Elle n' avait d' autre beauté que celle - ci improprement nommée la beauté du diable , et qui consiste dans une grosse fraîcheur de jeunesse que , théologalement parlant , le diable ne saurait avoir , à moins qu' il ne faille expliquer cette expression par la constante envie qu' il a de se rafraîchir .
LA VIEILLE FILLE (IV, provinc)
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