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Sur la balustrade de la terrasse , imaginez de grands vases en faïence bleue et blanche d' où s' élèvent des giroflées ; à droite et à gauche , le long des murs voisins , voyez deux couverts de tilleuls carrément taillés ; vous aurez une idée du paysage plein de bonhomie pudique , de chasteté tranquille , de vues modestes et bourgeoises qu' offraient la rive opposée et ses naïves maisons , les eaux rares de la Brillante , le jardin , ses deux couverts collés contre les murs voisins , et le vénérable édifice des Cormon . Quelle paix ! quel calme ! rien de pompeux , mais rien de transitoire : là , tout semble éternel . Le rez - de - chaussée appartenait donc à la réception . Là tout respirait la vieille , l' inaltérable province .
Le grand salon carré à quatre portes et à quatre croisées était modestement lambrissé de boiseries peintes en gris . Une seule glace , oblongue , se trouvait sur la cheminée , et le haut du trumeau représentait le Jour conduit par les Heures peint en camaïeu .
Ce genre de peinture infestait tous les dessus de porte où l' artiste avait inventé ces éternelles Saisons , qui dans une bonne partie des maisons du centre de la France vous font prendre en haine de détestables Amours occupés à moissonner , à patiner , à semer ou à se jeter des fleurs .
Chaque fenêtre était ornée de rideaux en damas vert relevés par des cordons à gros glands qui dessinaient d' énormes baldaquins .
Le meuble en tapisserie , dont les bois peints et vernis se distinguaient par les formes contournées si fort à la mode dans le dernier siècle , offrait dans ses médaillons les fables de La Fontaine ; mais quelques bords de chaises ou de fauteuils avaient été reprisés .
Le plafond était séparé en deux par une grosse solive au milieu de laquelle pendait un vieux lustre en cristal de roche , enveloppé d' une chemise verte .
Sur la cheminée se trouvaient deux vases en bleu de Sèvres , de vieilles girandoles attachées au trumeau et une pendule dont le sujet , pris dans la dernière scène du Déserteur , prouvait la vogue prodigieuse de l' oeuvre de Sedaine .
Cette pendule en cuivre doré se composait de onze personnages , ayant chacun quatre pouces de hauteur : au fond le déserteur sortait de sa prison entre ses soldats ; sur le devant la jeune femme évanouie lui montrait sa grâce .
Le foyer , les pelles et les pincettes étaient dans un style analogue à celui de la pendule .
Les panneaux de la boiserie avaient pour ornement les plus récents portraits de la famille , un ou deux Rigaud et trois pastels de Latour .

LA VIEILLE FILLE (IV, provinc)
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