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Mme Granson , veuve d' un lieutenant - colonel d' artillerie mort à Iéna , possédait pour toute fortune une maigre pension de neuf cents francs , cent écus de rente à elle , plus un fils dont l' éducation et l' entretien lui avaient dévoré ses économies . Elle occupait , rue du Bercail , un de ces tristes rez - de - chaussée qu' en passant dans la principale rue des petites villes le voyageur embrasse d' un seul coup d' oeil .
C' était une porte bâtarde , élevée sur trois marches pyramidales ; un couloir d' entrée qui menait à une cour intérieure , et au bout duquel se trouvait un escalier couvert par une galerie de bois .
D' un côté du couloir , une salle à manger et la cuisine ; de l' autre , un salon à toutes fins et la chambre à coucher de la veuve .
Athanase Granson , jeune homme de vingt - trois ans , logé dans une mansarde au - dessus du premier étage de cette maison , apportait au ménage de sa pauvre mère les six cents francs d' une petite place que l' influence de sa parente , Mlle Cormon , lui avait fait obtenir à la mairie de la Ville , où il était employé aux actes de l' état civil .
D' après ces indications , chacun peut voir Mme Granson dans son froid salon à rideaux jaunes , à meuble en velours d' Utrecht jaune , redressant après une visite les petits paillassons qu' elle mettait devant les chaises pour qu' on ne salît pas le carreau rouge frotté ; venant reprendre son fauteuil garni de coussins et son ouvrage à sa travailleuse placée sous le portrait du lieutenant - colonel d' artillerie entre les deux croisées , endroit d' où son oeil enfilait la rue du Bercail et y voyait tout venir .
C' était une bonne femme , mise avec une simplicité bourgeoise , en harmonie avec sa figure pâle et comme laminée par le chagrin .
La rigoureuse modestie de la pauvreté se faisait sentir dans tous les accessoires de ce ménage où respiraient d' ailleurs les moeurs probes et sévères de la province .
En ce moment le fils et la mère étaient ensemble dans la salle à manger , où ils déjeunaient d' une tasse de café accompagnée de beurre et de radis .
Pour faire comprendre le plaisir que la visite de Suzanne allait causer à Mme Granson , il faut expliquer les secrets intérêts de la mère et du fils .

LA VIEILLE FILLE (IV, provinc)
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