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- Est - ce avec Mlle Armande ou avec Mlle Cormon , qui , toutes les deux , vous ont déjà refusé ? Écoutez , monsieur du Bousquier , mon honneur n' a pas besoin de gendarmes pour vous traîner à la mairie . Je ne manquerai point de maris , et ne veux point d' un homme qui ne sait pas apprecier ce que je vaux . Un jour vous pourrez vous repentir de la manière dont vous vous conduisez , parce que rien au monde , ni or , ni argent , ne me fera vous rendre votre bien , si vous refusez de le prendre aujourd' hui .
- Mais , Suzanne , es - tu sûre ? ...
- Ah ! monsieur ! fit la grisette en se drapant dans sa vertu , pour qui me prenez - vous ? Je ne vous rappelle point les paroles que vous m' avez données , et qui ont perdu une pauvre fille dont le seul défaut est d' avoir autant d' ambition que d' amour . "
Du Bousquier était livré à mille sentiments contraires , à la joie , à la défiance , au calcul . Il avait résolu depuis longtemps d' épouser Mlle Cormon , car la Charte , sur laquelle il venait de ruminer offrait à son ambition la magnifique voie politique de la députation .
Or , son mariage avec la vieille fille devait le poser si haut dans la ville qu' il y acquerrait une grande influence . Aussi l' orage soulevé par la malicieuse Suzanne le plongea - t - il dans un violent embarras .
Sans cette secrète espérance , il aurait épousé Suzanne sans même y réfléchir . Il se serait placé franchement à la tête du parti libéral d' Alençon .
Après un pareil mariage , il renonçait à la première société pour retomber dans la classe bourgeoise des négociants , des riches fabricants , des herbagers qui certainement le porteraient en triomphe comme leur candidat .
Du Bousquier prévoyait déjà le Côté Gauche . Cette délibération solennelle , il ne la cachait pas , il se passait la main sur la tête en en laissant voir la nudité , car le bonnet était tombé .
Comme toutes les personnes qui dépassent leur but et trouvent mieux que ce qu' elles espéraient , Suzanne restait ébahie . Pour cacher son étonnement , elle prit la pose mélancolique d' une fille abusée devant son séducteur ; mais elle riait intérieurement comme une grisette en partie fine .
" Ma chère enfant , je ne donne pas dans de semblables godans , MOI ! "

LA VIEILLE FILLE (IV, provinc)
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