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Le lendemain , quand il sortit pour aller trouver Goupil , en pensant l' apaiser à force d' argent , il lut sur les murailles : Minoret est un voleur ! Tous ceux qu' il rencontra le plaignirent en lui demandant à lui - même quel était l' auteur de cette publication anonyme , et chacun lui pardonna les entortillages de ses réponses en songeant à sa nullité . Les sots recueillent plus d' avantages de leur faiblesse que les gens d' esprit n' en obtiennent de leur force .
On regarde sans l' aider un grand homme luttant contre le sort , et l' on commandite un épicier qui fera faillite . Savez - vous pourquoi ? on se croit supérieur en protégeant un imbécile , et l' on est fâché de n' être que l' égal d' un homme de génie .
Un homme d' esprit eût été perdu s' il avait balbutié comme Minoret , d' absurdes réponses d' un air effaré . Zélie et ses domestiques effacèrent l' inscription vengeresse partout où elle se trouvait , mais elle resta sur la conscience de Minoret .
Quoique Goupil eût échangé la veille sa parole avec l' huissier , il se refusa très impudemment à réaliser son traité .
" Mon cher Lecoeur , j' ai pu , voyez - vous , acheter la charge de M . Dionis et suis en position de vous faire vendre à d' autres ! Rengainez votre traité , ce n' est que deux carrés de papier timbrés de perdus , voici soixante - dix centimes . "
Lecoeur craignait trop Goupil pour se plaindre . Tout Nemours apprit aussitôt que Minoret avait donné sa garantie à Dionis pour faciliter à Goupil l' acquisition de sa charge . Le futur notaire écrivit à Savinien une lettre pour démentir ses aveux relativement à Minoret , en disant au jeune noble que sa nouvelle position , que la législation adoptée par la Cour suprême et son respect pour la justice lui défendaient de se battre .
Il prévenait d' ailleurs le gentilhomme de se bien comporter avec lui désormais , car il savait admirablement tirer la savate ; et à sa première agression , il se promettait de lui casser la jambe .
Les murs de Nemours ne parlèrent plus .
Mais la querelle entre Minoret et sa femme subsistait , et Savinien gardait un farouche silence . Le mariage de Mlle Massin l' aînée avec le futur notaire était , dix jours après ces événements , à l' état de rumeur publique .
Mlle Massin avait quatre - vingt mille francs et sa laideur pour elle , Goupil avait ses difformités et sa charge , cette union parut donc et probable et convenable .

URSULE MIROUET (III, provinc)
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