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Le juge de paix connaissait l' opinion de Dionis sur l' invalidité d' un testament fait par le docteur en faveur d' Ursule , car Nemours se préoccupait trop de la succession Minoret pour que cette question n' eût pas été agitée entre les jurisconsultes de la ville . Bongrand avait décidé qu' Ursule Mirouët était une étrangère à l' égard du docteur Minoret , mais il sentait bien que l' esprit de la législation repoussait de la famille les superfétations illégitimes .
Les rédacteurs du Code n' avaient prévu que la faiblesse des pères et des mères pour les enfants naturels , sans imaginer que des oncles ou des tantes épouseraient la tendresse de l' enfant naturel en faveur de sa descendance .
Évidemment il se rencontrait une lacune dans la loi .
" En tout autre pays , dit - il au docteur en achevant de lui exposer l' état de la jurisprudence que Goupil , Dionis et Désiré venaient d' expliquer aux héritiers , Ursule n' aurait rien à craindre ; elle est fille légitime , et l' incapacité de son père ne devrait avoir d' effet qu' à l' égard de la succession de Valentin Mirouët , votre beau - père ; mais en France , la magistrature est malheureusement très spirituelle et conséquentielle , elle recherche l' esprit de la loi .
Des avocats parleront morale et démontreront que la lacune du Code vient de la bonhomie des législateurs qui n' ont pas prévu le cas , mais qui n' en ont pas moins établi un principe .
Le procès sera long et dispendieux .
Avec Zélie on irait jusqu' en cour de cassation , et je ne suis pas sûr d' être encore vivant quand ce procès se fera .
- Le meilleur des procès ne vaut encore rien , s' écria le docteur . Je vois déjà des mémoires sur cette question : Jusqu' à quel degré l' incapacité qui , en matière de succession , frappe les enfants naturels , doit - elle s' étendre ? et la gloire d' un bon avocat consiste à gagner de mauvais procès .
- Ma foi , dit Bongrand , je n' oserais prendre sur moi d' affirmer que les magistrats n' étendraient pas le sens de la loi dans l' intention d' étendre la protection accordée au mariage , base éternelle des sociétés . "
Sans ce prononcer sur ses intentions , le vieillard rejeta le fidéicommis . Mais quant à la voie d' un mariage que Bongrand lui proposa de prendre pour assurer sa fortune à Ursule : " Pauvre petite ! s' écria le docteur . Je suis capable de vivre encore quinze ans , que deviendrait - elle ?
- Eh bien , que comptez - vous donc faire ? ... dit Bongrand .
URSULE MIROUET (III, provinc)
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