----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

N' es - t - il pas content de voir son oncle prendre le chemin du paradis ?
- Qui aurait jamais cru cela ? dit le greffier .
- Ah ! il ne faut jamais dire : " Fontaine , je ne boirai pas de ton eau " , répondit le notaire qui , voyant de loin le groupe , se détacha de sa femme en la laissant aller seule à l' église .
- Voyons , monsieur Dionis , dit Crémière en prenant le notaire par le bras , que nous conseillez - vous de faire dans cette circonstance ?
- Je vous conseille , dit le notaire en s' adressant aux héritiers , de vous coucher et de vous lever à vos heures habituelles , de manger votre soupe sans la laisser refroidir , de mettre vos pieds dans vos souliers , vos chapeaux sur vos têtes , enfin de continuer votre genre de vie absolument comme si de rien n' était .
- Vous n' êtes pas consolant " , lui dit Massin en lui jetant un regard de compère .
Malgré sa petite taille et son embonpoint , malgré son visage épais et ramassé , Crémière - Dionis était délié comme une soie . Pour faire fortune , il s' était associé secrètement avec Massin , à qui sans doute il indiquait les paysans gênés et les pièces de terre à dévorer .
Ces deux hommes choisissaient ainsi les affaires , n' en laissaient point échapper de bonnes , et se partageaient les bénéfices de cette usure hypothécaire qui retarde , sans l' empêcher , l' action des paysans sur le sol .
Aussi , moins pour Minoret le maître de poste , et Crémière le receveur , que pour son ami le greffier , Dionis portait - il un vif intérêt à la succession du docteur .
La part de Massin devait tôt ou tard grossir les capitaux avec lesquels les deux associés opéraient dans le canton .
" Nous tâcherons de savoir par M . Bongrand d' où part ce coup , répondit le notaire à voix basse en avertissant Massin de se tenir coi .
- Mais que fais - tu donc là , Minoret ? cria tout à coup une petite femme qui fondit sur le groupe au milieu duquel le maître de poste se voyait comme une tour . Tu ne sais pas où est Désiré , et tu restes planté sur tes jambes à bavarder quand je te croyais à cheval ! Bonjour , mesdames et messieurs .
"

URSULE MIROUET (III, provinc)
Page: 803