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Aussi , dès que l' enfant fut sevrée et marcha , renvoya - t - il la cuisinière que sa nièce , Mme Minoret - Levrault , lui avait donnée , en découvrant qu' elle instruisait la maîtresse de poste de tout ce qui se passait chez lui .
La nourrice de la petite Ursule , veuve d' un pauvre ouvrier sans autre nom qu' un nom de baptême et qui venait de Bougival , avait perdu son dernier enfant à six mois , au moment où le docteur , qui la connaissait pour une honnête et bonne créature , la prit pour nourrice , touché de sa détresse .
Sans fortune , venue de la Bresse où sa famille était dans la misère , Antoinette Patris , veuve de Pierre dit de Bougival , s' attacha naturellement à Ursule comme s' attachent les mères de lait à leurs nourrissons quand elles les gardent .
Cette aveugle affection maternelle s' augmenta du dévouement domestique . Prévenue des intentions du docteur , la Bougival apprit sournoisement à faire la cuisine , devint propre , adroite et se plia aux habitudes du vieillard .
Elle eut des soins minutieux pour les meubles et les appartements , enfin elle fut infatigable .
Non seulement le docteur voulait que sa vie privée fût murée , mais encore il avait des raisons pour dérober la connaissance de ses affaires à ses héritiers .
Dès la deuxième année de son établissement , il n' eut donc plus au logis que la Bougival , sur la discrétion de laquelle il pouvait compter absolument , et il déguisa ses véritables motifs sous la toute - puissante raison de l' économie .
Au grand contentement de ses héritiers , il se fit avare . Sans patelinage et par la seule influence de sa sollicitude et de son dévouement , la Bougival , âgée de quarante - trois ans au moment où ce drame commence , était la gouvernante du docteur et de sa protégée , le pivot sur lequel tout roulait au logis , enfin la femme de confiance .
On l' avait appelée la Bougival par l' impossibilité reconnue d' appliquer à sa personne son prénom d' Antoinette , car les noms et les figures obéissent aux lois de l' harmonie .
L' avarice du docteur ne fut pas un vain mot , mais elle eut un but . à compter de 1817 , il retrancha deux journaux et cessa ses abonnements à ses recueils périodiques . Sa dépense annuelle , que tout Nemours put estimer , ne dépassa point dix - huit cents francs par an .
Comme tous les vieillards , ses besoins en linge , chaussures ou vêtements étaient presque nuls . Tous les six mois il faisait un voyage à Paris , sans doute pour toucher et placer lui - même ses revenus .

URSULE MIROUET (III, provinc)
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