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et Mme d' Hauteserre , ni le curé , ni sa soeur , n' attendaient - ils rien de vulgaire des deux frères ou de Laurence . Ce drame , qui resta mystérieusement enfermé dans les limites de la famille où chacun l' observait en silence , eut un cours si rapide et si lent à la fois ; il comportait tant de jouissances inespérées , de petits combats , de préférences déçues , d' espoirs renversés , d' attentes cruelles , de remises au lendemain pour s' expliquer , de déclarations muettes , que les habitants de Cinq - Cygne ne firent aucune attention au couronnement de l' empereur Napoléon . Ces passions faisaient d' ailleurs trêve en cherchant une distraction violente dans les plaisirs de la chasse , qui , en fatiguant excessivement le corps , ôtent à l' âme les occasions de voyager dans les steppes si dangereux de la rêverie .
Ni Laurence ni ses cousins ne songeaient aux affaires , car chaque jour avait un intérêt palpitant .
" En vérité , dit un soir Mlle Goujet , je ne sais pas qui de tous ces amants aime le plus ? "
Adrien se trouvait seul au salon avec les quatre joueurs de boston , il leva les yeux sur eux et devint pâle . Depuis quelques jours , il n' était plus retenu dans la vie que par le plaisir de voir Laurence et de l' entendre parler .
" Je crois , dit le curé , que la comtesse , en sa qualité de femme , aime avec beaucoup plus d' abandon . "
Laurence , les deux frères et Robert revinrent quelques instants après . Les journaux venaient d' arriver . En voyant l' inefficacité des conspirations tentées à l' intérieur , l' Angleterre armait l' Europe contre la France .
Le désastre de Trafalgar avait renversé l' un des plans les plus extraordinaires que le génie humain ait inventés , et par lequel l' Empereur eût payé son élection à la France avec les ruines de la puissance anglaise .
En ce moment , le camp de Boulogne était levé . Napoléon , dont les soldats étaient inférieurs en nombre comme toujours , allait livrer bataille à l' Europe sur des champs où il n' avait pas encore paru .
Le monde entier se préoccupait du dénouement de cette campagne .
" Oh ! cette fois , il succombera , dit Robert en achevant la lecture du journal .
- Il a sur les bras toutes les forces de l' Autriche et de la Russie , dit Marie - Paul .
- Il n' a jamais manoeuvré en Allemagne , ajouta Paul - Marie .
- De qui parlez - vous ? demanda Laurence .
- De l' Empereur " , répondirent les trois gentilshommes .
Laurence jeta sur ses deux amants un regard de dédain qui les humilia , mais qui ravit Adrien . Le dédaigné fit un geste d' admiration , et il eut un regard d' orgueil où il disait assez qu' il ne pensait plus , lui ! qu' à Laurence .
TENEBREUSE AFFAIRE (VIII, politiq)
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