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Adrien , d' un tempérament nerveux , était fort par l' âme ; Robert , quoique lymphatique , se plaisait à prouver sa force purement corporelle . Les familles offrent de ces bizarreries dont les causes pourraient avoir de l' intérêt , mais il ne peut en être question ici que pour expliquer comment Adrien ne devait pas rencontrer un rival dans son frère .
Robert eut pour Laurence l' affection d' un parent , et le respect d' un noble pour une jeune fille de sa caste . Sous le rapport des sentiments , l' aîné des d' Hauteserre appartenait à cette secte d' hommes qui considèrent la femme comme dépendante de l' homme , en restreignant au physique son droit de maternité , lui voulant beaucoup de perfections et ne lui en tenant aucun compte .
Selon eux , admettre la femme dans la Société , dans la Politique , dans la Famille , est un bouleversement social .
Nous sommes aujourd' hui si loin de cette vieille opinion des peuples primitifs , que presque toutes les femmes , même celles qui ne veulent pas de la liberté funeste offerte par les nouvelles sectes , pourront s' en choquer ; mais Robert d' Hauteserre avait le malheur de penser ainsi .
Robert était l' homme du Moyen Age , le cadet était un homme d' aujourd' hui .
Ces différences , au lieu d' empêcher l' affection , l' avaient au contraire resserrée entre les deux frères . Dès la première soirée , ces nuances furent saisies et appréciées par le curé , par Mlle Goujet et Mme d' Hauteserre , qui , tout en faisant leur boston , aperçurent déjà des difficultés dans l' avenir .
à vingt - trois ans , après les réflexions de la solitude et les angoisses d' une vaste entreprise manquée , Laurence , redevenue femme , éprouvait un immense besoin d' affection ; elle déploya toutes les grâces de son esprit , et fut charmante .
Elle révéla les charmes de sa tendresse avec la naïveté d' un enfant de quinze ans . Durant ces treize dernières années , Laurence n' avait été femme que par la souffrance , elle voulut se dédommager ; elle se montra donc aussi aimante et coquette , qu' elle avait été jusque - là grande et forte .
Aussi , les quatre vieillards qui restèrent les derniers au salon furent - ils assez inquiétés par la nouvelle attitude de cette charmante fille .

TENEBREUSE AFFAIRE (VIII, politiq)
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