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Pendant les sept mois de réclusion à laquelle les quatre jeunes gens s' étaient condamnés , ils commirent plusieurs fois l' imprudence assez nécessaire de quelques promenades , surveillées , d' ailleurs , par Michu , son fils et Gothard . Durant ces promenades , éclairées par de belles nuits , Laurence , en rejoignant au présent le passé de leur vie commune , avait senti l' impossibilité de choisir entre les deux frères .
Un amour égal et pur pour les jumeaux lui partageait le coeur .
Elle croyait avoir deux coeurs . De leur côté , les deux Paul n' avaient point osé se parler de leur imminente rivalité . Peut - être s' en étaient - ils déjà tous trois remis au hasard ? La situation d' esprit où elle était agit sans doute sur Laurence , car après un moment d' hésitation visible , elle donna le bras aux deux frères pour entrer au salon , et fut suivie de M .
et Mme d' Hauteserre , qui tenaient et questionnaient leurs fils .
En ce moment , tous les gens crièrent : Vive les Cinq - Cygne et les Simeuse ! Laurence se retourna , toujours entre les deux frères , et fit un charmant geste pour remercier .
Quand ces neuf personnes arrivèrent à s' observer , car , dans toute réunion , même au coeur de la famille , il arrive toujours un moment où l' on s' observe après de longues absences , au premier regard qu' Adrien d' Hauteserre jeta sur Laurence , et qui fut surpris par sa mère et par l' abbé Goujet , il leur sembla que ce jeune homme aimait la comtesse .
Adrien , le cadet des d' Hauteserre , avait une âme tendre et douce .
Chez lui , le coeur était resté adolescent , malgré les catastrophes qui venaient d' éprouver l' homme . Semblable en ceci à beaucoup de militaires chez qui la continuité des périls laisse l' âme vierge , il se sentait oppressé par les belles timidités de la jeunesse .
Aussi différait - il entièrement de son frère , homme d' aspect brutal , grand chasseur , militaire intrépide , plein de résolution , mais matériel et sans agilité d' intelligence comme sans délicatesse dans les choses du coeur .
L' un était tout âme , l' autre était tout action ; cependant ils possédaient l' un et l' autre au même degré l' honneur qui suffit à la vie des gentilshommes .
Brun , petit , maigre et sec , Adrien d' Hauteserre avait néanmoins une grande apparence de force ; tandis que son frère , de haute taille , pâle et blond , paraissait faible .

TENEBREUSE AFFAIRE (VIII, politiq)
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