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" Nous avons affaire à des gens de qualité , dit Corentin , ils sont plus forts que nous . Le prêtre y est sans doute pour quelque chose . "
Au moment où Mme Goulard faisait entrer les deux employés dans une vaste salle à manger , sans feu , le lieutenant de gendarmerie arriva , l' air assez effaré .
" Nous avons rencontré le cheval du brigadier d' Arcis dans la forêt , sans son maître , dit - il à Peyrade .
- Lieutenant , s' écria Corentin , courez au pavillon de Michu , sachez ce qui s' y passe ! On aura tué le brigadier . "
Cette nouvelle nuisit au déjeuner du maire . Les Parisiens avalèrent tout avec une rapidité de chasseurs mangeant à une halte , et revinrent au château dans leur cabriolet d' osier attelé du cheval de poste , pour pouvoir se porter rapidement sur tous les points où leur présence serait nécessaire .
Quand ces deux hommes reparurent dans ce salon , où ils avaient jeté le trouble , l' effroi , la douleur et les plus cruelles anxiétés , ils y trouvèrent Laurence en robe de chambre , le gentilhomme et sa femme , l' abbé Goujet et sa soeur groupés autour du feu , tranquilles en apparence .
" Si l' on tenait Michu , s' était dit Laurence , on l' aurait amené . J' ai le chagrin de n' avoir pas été maîtresse de moi - même , d' avoir jeté quelque clarté dans les soupçons de ces infâmes ; mais tout peut se réparer .
" " Serons - nous longtemps vos prisonniers ? " demanda - t - elle aux deux agents d' un air railleur et dégagé .
" Comment peut - elle savoir quelque chose de notre inquiétude sur Michu ? personne du dehors n' est entré dans le château , elle nous gouaille " , se dirent les deux espions par un regard .
" Nous ne vous importunerons pas longtemps encore , répondit Corentin ; dans trois heures d' ici nous vous offrirons nos regrets d' avoir troublé votre solitude . "
Personne ne répondit . Ce silence du mépris redoubla la rage intérieure de Corentin , sur le compte de qui Laurence et le curé , les deux intelligences de ce petit monde , s' étaient édifiés . Gothard et Catherine mirent le couvert auprès du feu pour le déjeuner , auquel prirent part le curé et sa soeur .
Les maîtres ni les domestiques ne firent aucune attention aux deux espions qui se promenaient dans le jardin , dans la cour , sur le chemin , et qui revenaient de temps en temps au salon .

TENEBREUSE AFFAIRE (VIII, politiq)
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