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Aussi la police laissait - elle , comme l' avait dit Malin à Grévin , les conspirateurs surveillés agir en liberté , pour embrasser toutes les ramifications du complot . Néanmoins , le gouvernement eut en quelque sorte la main forcée par Georges Cadoudal , homme d' exécution , qui ne prenait conseil que de lui - même , et qui s' était caché dans Paris avec vingt - cinq Chouans pour attaquer le Premier consul .
Laurence unissait dans sa pensée la haine et l' amour . Détruire Bonaparte et ramener les Bourbons , n' était - ce pas reprendre Gondreville et faire la fortune de ses cousins ? Ces deux sentiments , dont l' un est la contrepartie de l' autre , suffisent , à vingt - trois ans surtout , pour déployer toutes les facultés de l' âme et toutes les forces de la vie .
Aussi , depuis deux mois , Laurence paraissait - elle plus belle aux habitants de Cinq - Cygne qu' elle ne fut en aucun moment .
Ses joues étaient devenues roses , l' espérance donnait par instants de la fierté à son front ; mais quand on lisait la Gazette du soir , et que les actes conservateurs du Premier consul s' y déroulaient , elle baissait les yeux pour n' y pas laisser lire la menaçante certitude de la chute prochaine de cet ennemi des Bourbons .
Personne au château ne se doutait donc que la jeune comtesse eût revu ses cousins la nuit dernière .
Les deux fils de M . et Mme d' Hauteserre avaient passé la nuit dans la propre chambre de la comtesse , sous le même toit que leurs père et mère ; car Laurence , pour ne donner aucun soupçon , après avoir couché les deux d' Hauteserre , entre une heure et deux du matin , alla rejoindre ses cousins au rendez - vous et les emmena au milieu de la forêt où elle les avait cachés dans la cabane abandonnée d' un garde - vente .
Sûre de les revoir , elle ne montra pas le moindre air de joie , rien ne trahit en elle les émotions de l' attente ; enfin elle avait su effacer les traces du plaisir de les avoir revus , elle fut impassible .
La jolie Catherine , la fille de sa nourrice , et Gothard , tous deux dans le secret , modelèrent leur conduite sur celle de leur maîtresse .
Catherine avait dix - neuf ans .
à cet âge , comme à celui de Gothard , une jeune fille est fanatique et se laisse couper le cou sans dire un mot .
Quant à Gothard , sentir le parfum que la comtesse mettait dans ses cheveux et dans ses habits , lui eût fait endurer la question extraordinaire sans dire une parole .

TENEBREUSE AFFAIRE (VIII, politiq)
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