----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

" Oh ! c' est Violette , reprit - il . Voilà la troisième fois qu' il passe depuis ce matin ! Qu' y a - t - il donc dans l' air ? Assez , Couraut ! " Quelques instants après , on entendit le petit trot d' un cheval .
Violette , monté sur un de ces bidets dont se servent les fermiers aux environs de Paris , montra , sous un chapeau de forme ronde et à grands bords , sa figure couleur de bois et fortement plissée , laquelle paraissait encore plus sombre .
Ses yeux gris , malicieux et brillants , dissimulaient la traîtrise de son caractère . Ses jambes sèches , habillées de guêtres en toile blanche montant jusqu' au genou , pendaient sans être appuyées sur des étriers , et semblaient maintenues par le poids de ses gros souliers ferrés .
Il portait par - dessus sa veste de drap bleu une limousine à raies blanches et noires . Ses cheveux gris retombaient en boucles derrière sa tête .
Ce costume , le cheval gris à petites jambes basses , la façon dont s' y tenait Violette , le ventre en avant , le haut du corps en arrière , la grosse main crevassée et couleur de terre qui soutenait une méchante bride rongée et déchiquetée , tout peignait en lui un paysan avare , ambitieux , qui veut posséder de la terre et qui l' achète à tout prix .
Sa bouche aux lèvres bleuâtres , fendue comme si quelque chirurgien l' eût ouverte avec un bistouri , les innombrables rides de son visage et de son front empêchaient le jeu de la physionomie dont les contours seulement parlaient .
Ces lignes dures , arrêtées , paraissaient exprimer la menace , malgré l' air humble que se donnent presque tous les gens de la campagne , et sous lequel ils cachent leurs émotions et leurs calculs , comme les Orientaux et les Sauvages enveloppent les leurs sous une imperturbable gravité .
De simple paysan faisant des journées , devenu fermier de Grouage par un système de méchanceté croissante , il le continuait encore après avoir conquis une position qui surpassait ses premiers désirs .
Il voulait le mal du prochain et le lui souhaitait ardemment .
Quand il y pouvait contribuer , il y aidait avec amour .
Violette était franchement envieux ; mais , dans toutes ses malices , il restait dans les limites de la légalité , ni plus ni moins qu' une Opposition parlementaire . Il croyait que sa fortune dépendait de la ruine des autres , et tout ce qui se trouvait au - dessus de lui était pour lui un ennemi envers lequel tous les moyens devaient être bons .
Ce caractère est très commun chez les paysans .

TENEBREUSE AFFAIRE (VIII, politiq)
Page: 517