----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Cet homme au pâle visage , élevé dans les dissimulations monastiques , qui possédait les secrets des Montagnards auxquels il appartint , et ceux des royalistes auxquels il finit par appartenir , avait lentement et silencieusement étudié les hommes , les choses , les intérêts de la scène politique , il pénétra les secrets de Bonaparte , lui donna d' utiles conseils et des renseignements précieux . Satisfait d' avoir démontré son savoir - faire et son utilité , Fouché s' était bien gardé de se dévoiler tout entier , il voulait rester à la tête des affaires ; mais les incertitudes de Napoléon à son égard lui rendirent sa liberté politique .
L' ingratitude ou plutôt la méfiance de l' Empereur après l' affaire de Walcheren explique cet homme qui , malheureusement pour lui , n' était pas un grand seigneur , et dont la conduite fut calquée sur celle du prince de Talleyrand .
En ce moment , ni ses anciens ni ses nouveaux collègues ne soupçonnaient l' ampleur de son génie purement ministériel , essentiellement gouvernemental , juste dans toutes ses prévisions , et d' une incroyable sagacité .
Certes , aujourd' hui , pour tout historien impérial , l' amour - propre excessif de Napoléon est une des mille raisons de sa chute qui , d' ailleurs , a cruellement expié ses torts .
Il se rencontrait chez ce défiant souverain une jalousie de son jeune pouvoir qui influa sur ses actes autant que sa haine secrète contre les hommes habiles , legs précieux de la Révolution , avec lesquels il aurait pu se composer un cabinet dépositaire de ses pensées .
Talleyrand et Fouché ne furent pas les seuls qui lui donnèrent de l' ombrage .
Or , le malheur des usurpateurs est d' avoir pour ennemis et ceux qui leur ont donné la couronne , et ceux auxquels ils l' ont ôtée .
Napoléon ne convainquit jamais entièrement de sa souveraineté ceux qu' il avait eus pour supérieurs et pour égaux , ni ceux qui tenaient pour le droit : personne ne se croyait donc obligé par le serment envers lui .
Malin , homme médiocre , incapable d' apprécier le ténébreux génie de Fouché ni de se défier de son prompt coup d' oeil , se brûla , comme un papillon à la chandelle , en allant le prier confidentiellement de lui envoyer des agents à Gondreville où , dit - il , il espérait obtenir des lumières sur la conspiration .
Fouché , sans effaroucher son ami par une interrogation , se demanda pourquoi Malin allait à Gondreville , comment il ne donnait pas à Paris et immédiatement les renseignements qu' il pouvait avoir .

TENEBREUSE AFFAIRE (VIII, politiq)
Page: 553