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Dans ce métier de lutteur , quand on a beau jeu , quinte - et - quatorze en main avec la primauté , la bougie tombe , les cartes brûlent , ou le joueur est frappé d' apoplexie ! ... C' est l' histoire de Lucien . Ce garçon , cet ange , n' a pas commis l' ombre d' un crime , il s' est laissé faire , il a laissé faire ! Il allait épouser Mlle de Grandlieu , être nommé marquis , il avait une fortune ; eh bien ! une fille s' empoisonne , elle cache le produit d' une inscription de rentes , et l' édifice si péniblement élevé de cette belle fortune s' écroule en un instant .
Et qui nous adresse le premier coup d' épée ? un homme couvert d' infamies secrètes , un monstre qui a commis , dans le monde des intérêts , de tels crimes ( voir La Maison Nucingen ) , que chaque écu de sa fortune est trempé des larmes d' une famille , un Nucingen qui a été Jacques Collin légalement et dans le monde des écus .
Enfin vous connaissez tout aussi bien que moi les liquidations , les tours pendables de cet homme .
Mes fers estampilleront toujours toutes mes actions , même les plus vertueuses .
être un volant entre deux raquettes , dont l' une s' appelle le bagne , et l' autre la police , c' est une vie où le triomphe est un labeur sans fin , où la tranquillité me semble impossible .
Jacques Collin est en ce moment enterré , monsieur de Grandville , avec Lucien , sur qui l' on jette actuellement de l' eau bénite et qui part pour le Père - Lachaise .
Mais il me faut une place où aller , non pas y vivre , mais y mourir ...
" Dans l' état actuel des choses , vous n' avez pas voulu , vous , la Justice , vous occuper de l' état civil et social du forçat libéré . Quand la loi est satisfaite , la société ne l' est pas , elle conserve ses défiances , et elle fait tout pour se les justifier à elle - même ; elle rend le forçat libéré un être impossible ; elle doit lui rendre tous ses droits , mais elle lui interdit de vivre dans une certaine zone .
La Société dit à ce misérable : " Paris , le seul endroit où tu peux te cacher , et sa banlieue sur telle étendue , tu ne l' habiteras pas ! ... " Puis elle soumet le forçat libéré à la surveillance de la police .
Et vous croyez qu' il est possible dans ces conditions de vivre ! Pour vivre , il faut travailler , car on ne sort pas avec des rentes du bagne .
Vous vous arrangez pour que le forçat soit clairement désigné , reconnu , parqué , puis vous croyez que les citoyens auront confiance en lui , quand la société , la justice , le monde qui l' entoure n' en ont aucune .
Vous le condamnez à la faim ou au crime .

SPLEND É COURTISANES (VI, paris)
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