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- Pardon , excuse , monsieur , fit la portière en saluant le juge et l' abbé Carlos tour à tour . Nous avons été si troublés , mon mari et moi , par la Justice , les deux fois qu' elle est venue , que nous avons oublié dans notre commode une lettre à l' adresse de M . Lucien , et pour laquelle nous avons payé dix sous , quoiqu' elle soit de Paris , car elle est très lourde .
Voulez - vous me rembourser le port . Dieu sait quand nous reverrons nos locataires !
- Cette lettre vous a été remise par le facteur ? demanda Camusot après avoir examiné très attentivement l' enveloppe .
- Oui , monsieur .
- Coquart , vous allez dresser procès - verbal de cette déclaration . Allez ! ma bonne femme . Donnez vos noms , vos qualités ... "
Camusot fit prêter serment à la portière , puis il dicta le procès - verbal .
Pendant l' accomplissement de ces formalités , il vérifiait le timbre de la poste , qui portait les dates des heures de levée et de distribution , ainsi que la date du jour . Or , cette lettre , remise chez Lucien le lendemain de la mort d' Esther , avait été sans nul doute écrite et jetée à la poste le jour de la catastrophe .
Maintenant on pourra juger de la stupéfaction de M . Camusot en lisant cette lettre , écrite et signée par celle que la Justice croyait être la victime d' un crime .
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ESTHER à LUCIEN
Lundi , 13 mai 1830 .
( MON DERNIER JOUR , à DIX HEURES DU MATIN . )
" Mon Lucien , je n' ai pas une heure à vivre . à onze heures je serai morte , et je mourrai sans aucune douleur . J' ai payé cinquante mille francs une jolie petite groseille noire contenant un poison qui tue avec la rapidité de l' éclair .
Ainsi , ma biche , tu pourras te dire : " Ma petite Esther n' a pas souffert ... " Oui , je n' aurai souffert qu' en t' écrivant ces pages .

SPLEND É COURTISANES (VI, paris)
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