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En ce moment , la Verberie , entourée d' un petit parc d' environ vingt arpents , clos de murs , passait pour la propriété la plus importante du pays . La maison de feu Séchard et ses dépendances ne servaient plus qu' à l' exploitation de vingt et quelques arpents de vignes laissés par lui , outre cinq métairies d' un produit d' environ six mille francs , et dix arpents de prés situés de l' autre côté du cours d' eau , précisément en face du parc de la Verberie ; aussi Mme Séchard comptait - elle bien les y comprendre l' année prochaine . Déjà , dans le pays , on donnait à la Verberie le nom de château , et l' on appelait Eve Séchard la dame de Marsac .
En satisfaisant sa vanité , Lucien n' avait fait qu' imiter les paysans et les vignerons . Courtois , propriétaire d' un moulin assis pittoresquement à quelques portées de fusil des prés de la Verberie , était , dit - on , en marché pour ce moulin avec Mme Séchard .
Cette acquisition probable allait finir de donner à la Verberie la tournure d' une terre du premier ordre dans le département .
Mme Séchard , qui faisait beaucoup de bien et avec autant de discernement que de grandeur , était aussi estimée qu' aimée . Sa beauté , devenue magnifique , atteignait alors à son plus grand développement .
Quoique âgée d' environ vingt - six ans , elle avait gardé la fraîcheur de la jeunesse en jouissant du repos et de l' abondance que donne la vie de campagne .
Toujours amoureuse de son mari , elle respectait en lui l' homme de talent assez modeste pour renoncer au tapage de la gloire ; enfin , pour la peindre , il suffit peut - être de dire que , dans toute sa vie , elle n' avait pas à compter un seul battement de coeur qui ne fût inspiré par ses enfants ou par son mari .
L' impôt que ce ménage payait au malheur , on le devine , c' était le chagrin profond que causait la vie de Lucien , dans laquelle Eve Séchard pressentait des mystères et les redoutait d' autant plus que , pendant sa dernière visite , Lucien brisa sèchement à chaque interrogation de sa soeur , en lui disant que les ambitieux ne devaient compte de leurs moyens qu' à eux - mêmes .
En six ans , Lucien avait vu sa soeur trois fois , et il ne lui avait pas écrit plus de six lettres .
Sa première visite à la Verberie eut lieu lors de la mort de sa mère , et la dernière avait eu pour objet de demander le service de ce mensonge si nécessaire à sa politique .
Ce fut entre M . , Mme Séchard et leur frère le sujet d' une scène assez grave qui laissa des doutes affreux au coeur de cette noble existence .

SPLEND É COURTISANES (VI, paris)
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