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En face de l' appartement si mesquin de Peyrade , celui de Lydie était composé d' une antichambre , d' un petit salon , d' une chambre à coucher et d' un cabinet de toilette ... La porte de Lydie , comme celle de la chambre de Peyrade , était composée d' une tôle de quatre lignes d' épaisseur , placée entre deux fortes planches en chêne , armées de serrures et d' un système de gonds qui les rendaient aussi difficiles à forcer que des portes de prison . Aussi , quoique la maison fût une de ces maisons à allée , à boutique et sans portier , Lydie vivait - elle là sans avoir rien à craindre .
La salle à manger , le petit salon , la chambre , dont toutes les croisées avaient des jardins aériens , étaient d' une propreté flamande et pleine de luxe . La nourrice flamande n' avait jamais quitté Lydie , qu' elle appelait sa fille .
Toutes deux elles allaient à l' église avec une régularité qui donnait du bonhomme Canquoëlle une excellente opinion à l' épicier royaliste établi dans la maison , au coin de la rue des Moineaux et de la rue Neuve - Saint - Roch , et dont la famille , la cuisine , les garçons occupaient le premier étage et l' entresol .
Au second étage vivait le propriétaire , et le troisième était loué , depuis vingt ans , par un lapidaire .
Chacun des locataires avait la clef de la porte bâtarde . L' épicière recevait d' autant plus complaisamment les lettres et les paquets adressés à ces trois paisibles ménages , que le magasin d' épiceries était pourvu d' une boîte aux lettres .
Sans ces détails , les étrangers et ceux à qui Paris est connu n' auraient pu comprendre le mystère et la tranquillité , l' abandon et la sécurité qui faisaient de cette maison une exception parisienne .
Dès minuit , le père Canquoëlle pouvait ourdir toutes les trames , recevoir des espions et des ministres , des femmes et des filles , sans que qui que ce soit au monde s' en aperçût .
Peyrade , de qui la Flamande avait dit à la cuisinière de l' épicier : " Il ne ferait pas de mal à une mouche ! " passait pour le meilleur des hommes .
Il n' épargnait rien pour sa fille Lydie , qui , après avoir eu Schmuke pour maître de musique , était musicienne à pouvoir composer . Elle savait laver une seppia , peindre à la gouache et à l' aquarelle .
Peyrade dînait tous les dimanches avec sa fille . Ce jour - là le bonhomme était exclusivement père . Religieuse sans être dévote , Lydie faisait ses pâques et allait à confesse tous les mois .
Néanmoins , elle se permettait de temps en temps la petite partie de spectacle . Elle se promenait aux Tuileries quand il faisait beau . Tels étaient tous ses plaisirs , car elle menait la vie la plus sédentaire .

SPLEND É COURTISANES (VI, paris)
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