----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

" Le voilà redevenu terrible " , se dit Minna frémissant de crainte .
La voix de la Sieg accompagna les pensées de ces trois êtres , qui demeurèrent pendant quelques moments réunis sur une plate = forme de rochers en saillie , mais séparés par des abîmes dans le Monde Spirituel .
" Eh bien , Séraphîtüs , enseignez - moi , dit Minna d' une voix argentée comme une perle , et douce comme un mouvement de sensitive est doux . Apprenez - moi ce que je dois faire pour ne point vous aimer ? Qui ne vous admirerait pas ? l' amour est une admiration qui ne se lasse jamais .
- Pauvre enfant ! dit Séraphîtüs en pâlissant , on ne peut aimer ainsi qu' un seul être .
- Qui ? demanda Minna .
- Tu le sauras , répondit - il avec la voix faible d' un homme qui se couche pour mourir .
- Au secours , il se meurt ! " s' écria Minna .
Wilfrid accourut , et voyant cet être gracieusement posé dans un fragment de gneiss sur lequel le temps avait jeté son manteau de velours , ses lichens lustrés , ses mousses fauves que le soleil satinait , il dit : " Elle est bien belle .
- Voici le dernier regard que je pourrai jeter sur cette nature en travail " , dit - elle en rassemblant ses forces pour se lever .
Elle s' avança sur le bord du rocher , d' où elle pouvait embrasser , fleuris , verdoyants , animés , les spectacles de ce grand et sublime paysage , enseveli naguère sous une tunique de neige .
" Adieu , dit - elle , foyer brûlant d' amour où tout marche avec ardeur du centre aux extrémités , et dont les extrémités se rassemblent comme une chevelure de femme , pour tresser la natte inconnue par laquelle tu te rattaches , dans l' éther indiscernable , à la pensée divine !
" Voyez - vous celui qui , courbé sur un sillon arrosé de sa sueur , se relève un moment pour interroger le ciel ; celle qui recueille les enfants pour les nourrir de son lait ; celui qui noue les cordages au fort de la tempête ; celle qui reste assise au creux d' un rocher attendant le père ? voyez - vous tous ceux qui tendent la main après une vie consumée en d' ingrats travaux ? à tous paix et courage , à tous adieu !
SERAPHITA (XI, philo)
Page: 839