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Elle se leva suivie de Wilfrid , et ils allèrent ensemble à une fenêtre que David avait ouverte . Après le long silence de l' hiver , les grandes eaux se remuaient sous les glaces et retentissaient dans le Fiord comme une musique , car il est des sons que l' espace épure et qui arrivent à l' oreille comme des ondes pleines à la fois de lumière et de fraîcheur .
" Cessez , Wilfrid , cessez d' enfanter de mauvaises pensées dont le triomphe vous serait pénible à porter . Qui ne lirait vos désirs dans les étincelles de vos regards ? Soyez bon , faites un pas dans le bien ! N' est - ce pas aller au = delà de l' aimer des hommes que de se sacrifier complètement au bonheur de celle qu' on aime ? Obéissez - moi , je vous mènerai dans une voie où vous obtiendrez toutes les grandeurs que vous rêvez , et où l' amour sera vraiment infini .
"
Elle laissa Wilfrid pensif .
" Cette douce créature est - elle bien la prophétesse qui vient de jeter des éclairs par les yeux , dont la parole a tonné sur les mondes , dont la main a manié contre nos sciences la hache du doute ? Avons - nous veillé pendant quelques moments ? " se dit - il .
" Minna , dit Séraphîtüs en revenant auprès de la fille du pasteur , les aigles volent où sont les cadavres , les colombes volent où sont les sources vives , sous les ombrages verts et paisibles . L' aigle monte au cieux , la colombe en descend .
Cesse de t' aventurer dans une région où tu ne trouverais ni sources , ni ombrages . Si naguère tu n' as pu contempler l' abîme sans être brisée , garde tes forces pour qui t' aimera .
Va , pauvre fille , tu le sais , j' ai ma fiancée . "
Minna se leva et vint avec Séraphîtüs à la fenêtre où était Wilfrid . Tous trois entendirent la Sieg bondissant sous l' effort des eaux supérieures , qui détachaient déjà des arbres pris dans les glaces .
Le Fiord avait retrouvé sa voix . Les illusions étaient dissipées . Tous admirèrent la nature qui se dégageait de ses entraves , et semblait répondre par un sublime accord à l' Esprit dont la voix venait de la réveiller .
Lorsque les trois hôtes de cet être mystérieux le quittèrent , ils étaient remplis de ce sentiment vague qui n' est ni le sommeil , ni la torpeur , ni l' étonnement , mais qui tient de tout cela ; qui n' est ni le crépuscule , ni l' aurore , mais qui donne soif de la lumière . Tous pensaient .
SERAPHITA (XI, philo)
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