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Ses cheveux , bouclés par la main d' une fée , et comme soulevés par un souffle , ajoutaient à l' illusion que produisait son attitude aérienne ; mais ce maintien dénué d' efforts résultait plus d' un phénomène moral que d' une habitude corporelle . L' imagination de Minna était complice de cette constante hallucination sous l' empire de laquelle chacun serait tombé , et qui prêtait à Séraphîtüs l' apparence des figures rêvées dans un heureux sommeil .
Nul type connu ne pourrait donner une image de cette figure majestueusement mâle pour Minna , mais qui , aux yeux d' un homme , eût éclipsé par sa grâce féminine les plus belles têtes dues à Raphaël .
Ce peintre des cieux a constamment mis une sorte de joie tranquille , une amoureuse suavité dans les lignes de ses beautés angéliques ; mais , à moins de contempler Séraphîtüs lui - même , quelle âme inventerait la tristesse mêlée d' espérance qui voilait à demi les sentiments ineffables empreints dans ses traits ? Qui saurait , même dans les fantaisies d' artiste où tout devient possible , voir les ombres que jetait une mystérieuse terreur sur ce front trop intelligent qui semblait interroger les cieux et toujours plaindre la terre ? Cette tête planait avec dédain comme un sublime oiseau de proie dont les cris troublent l' air , et se résignait comme la tourterelle dont la voix verse la tendresse au fond des bois silencieux .
Le teint de Séraphîtüs était d' une blancheur surprenante que faisaient encore ressortir des lèvres rouges , des sourcils bruns et des cils soyeux , seuls traits qui tranchassent sur la pâleur d' un visage dont la parfaite régularité ne nuisait en rien à l' éclat des sentiments : ils s' y reflétaient sans secousse ni violence , mais avec cette majestueuse et naturelle gravité que nous aimons à prêter aux êtres supérieurs .
Tout , dans cette figure marmorine , exprimait la force et le repos .
Minna se leva pour prendre la main de Séraphîtüs , en espérant qu' elle pourrait ainsi l' attirer à elle , et déposer sur ce front séducteur un baiser arraché plus à l' admiration qu' à l' amour ; mais un regard du jeune homme , regard qui la pénétra comme un rayon de soleil traverse le prisme , glaça la pauvre fille .
Elle sentit , sans le comprendre , un abîme entre eux , détourna la tête et pleura .
Tout à coup une main puissante la saisit par la taille , une voix pleine de suavité lui dit : " Viens .
" Elle obéit , posa sa tête soudain rafraîchie sur le coeur du jeune homme , qui réglant son pas sur le sien , douce et attentive conformité , la mena vers une place d' où ils purent voir les radieuses décorations de la nature polaire .

SERAPHITA (XI, philo)
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