----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Eux seuls , peut = être , sauront s' engager dans les tortueux récifs du goulet où se débat la mer , fuir avec ses flots le long des tables éternelles du Falberg dont les pyramides blanches se confondent avec les nuées brumeuses d' un ciel presque toujours gris de perle ; admirer la jolie nappe échancrée du golfe , y entendre les chutes de la Sieg qui pend en longs filets et tombe sur un abatis pittoresque de beaux arbres confusément épars , debout ou cachés parmi des fragments de gneiss ; puis , se reposer sur les riants tableaux que présentent les collines abaissées de Jarvis d' où s' élancent les plus riches végétaux du nord , par familles , par myriades : ici des bouleaux gracieux comme des jeunes filles , inclinés comme elles ; là des colonnades de hêtres aux fûts centenaires et moussus ; tous les contrastes des différents verts , de blanches nuées parmi les sapins noirs , des landes de bruyères pourprées et nuancées à l' infini ; enfin toutes les couleurs , tous les parfums de cette Flore aux merveilles ignorées .
Étendez les proportions de ces amphithéâtres , élancez - vous dans les nuages , perdez - vous dans le creux des roches où reposent les chiens de mer , votre pensée n' atteindra ni à la richesse , ni aux poésies de ce site norvégien ! Votre pensée pourrait - elle être aussi grande que l' Océan qui le borne , aussi capricieuse que les fantastiques figures dessinées par ses forêts , ses nuages , ses ombres , et par les changements de sa lumière ? Voyez - vous , au = dessus des prairies de la plage , sur le dernier pli de terrain qui s' ondule au bas des hautes collines de Jarvis , deux ou trois cents maisons couvertes en noever , espèce de couvertures faites avec l' écorce du bouleau , maisons toutes frêles , plates et qui ressemblent à des vers à soie sur une feuille de mûrier jetée là par les vents ? Au = dessus de ces humbles , de ces paisibles demeures , est une église construite avec une simplicité qui s' harmonie à la misère du village .
Un cimetière entoure le chevet de cette église , et plus loin se trouve le presbytère .
Encore plus haut , sur une bosse de la montagne est située une habitation la seule qui soit en pierre , et que pour cette raison les habitants ont nommée le château suédois .
En effet , un homme riche vint de Suède , trente ans avant le jour où cette histoire commence , et s' établit à Jarvis , en s' efforçant d' en améliorer la fortune .
Cette petite maison , construite dans le but d' engager les habitants à s' en bâtir de semblables , était remarquable par sa solidité , par un mur d' enceinte , chose rare en Norvège où , malgré l' abondance des pierres , l' on se sert de bois pour toutes les clôtures , même pour celles des champs .
La maison , ainsi garantie des neiges , s' élevait sur un tertre , au milieu d' une cour immense .
Les fenêtres en étaient abritées par ces auvents d' une saillie prodigieuse appuyés sur de grands sapins équarris qui donnent aux constructions au nord une espèce de physionomie patriarcale .

SERAPHITA (XI, philo)
Page: 733