----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

I
SÉRAPHîTüS
à voir sur une carte les côtes de la Norvège , quelle imagination ne serait émerveillée de leurs fantasques découpures , longue dentelle de granit où mugissent incessamment les flots de la mer du Nord ? qui n' a rêvé les majestueux spectacles offerts par ces rivages sans grèves , par cette multitude de criques , d' anses , de petites baies dont aucune ne se ressemble , et qui toutes sont des abîmes sans chemins ? Ne dirait - on pas que la nature s' est plu à dessiner par d' ineffaçables hiéroglyphes le symbole de la vie norvégienne , en donnant à ces côtes la configuration des arêtes d' un immense poisson ? car la pêche forme le principal commerce et fournit presque toute la nourriture de quelques hommes attachés comme une touffe de lichen à ces arides rochers .
Là , sur quatorze degrés de longueur , à peine existe - t - il sept cent mille âmes .
Grâce aux périls dénués de gloire , aux neiges constantes que réservent aux voyageurs ces pics de la Norvège , dont le nom donne froid déjà , leurs sublimes beautés sont restées vierges et s' harmonieront aux phénomènes humains , vierges encore pour la poésie du moins , qui s' y sont accomplis , et dont voici l' histoire .
Lorsqu' une de ces baies , simple fissure aux yeux des eiders , est assez ouverte pour que la mer ne gèle pas entièrement dans cette prison de pierre où elle se débat , les gens du pays nomment ce petit golfe un fiord , mot que presque tous les géographes ont essayé de naturaliser dans leurs langues respectives .

SERAPHITA (XI, philo)
Page: 729