----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Le grand politique qui sut si bien conduire sa nauf au sein des orages ne tarda pas à succomber . Incertain de la faveur à venir , le comte de Fontaine fit donc les plus grands efforts pour rassembler autour de sa dernière fille l' élite des jeunes gens à marier .
Ceux qui ont tâché de résoudre le problème difficile que présente l' établissement d' une fille orgueilleuse et fantasque comprendront peut - être les peines que se donna le pauvre vendéen .
Achevée au gré de son enfant chéri , cette dernière entreprise eût couronné dignement la carrière que le comte parcourait depuis dix ans à Paris . Par la manière dont sa famille envahissait les traitements de tous les ministères , elle pouvait se comparer à la maison d' Autriche , qui , par ses alliances , menace d' envahir l' Europe .
Aussi le vieux vendéen ne se rebutait - il pas dans ses présentations de prétendus , tant il avait à coeur le bonheur de sa fille ; mais rien n' était plus plaisant que la façon dont l' impertinente créature prononçait ses arrêts et jugeait le mérite de ses adorateurs .
On eût dit que , semblable à l' une de ces princesses des Mille et un Jours , Émilie fut assez riche , assez belle pour avoir le droit de choisir parmi tous les princes du monde ; ses objections étaient plus bouffonnes les unes que les autres : l' un avait les jambes trop grosses ou les genoux cagneux , l' autre était myope , celui - ci s' appelait Durand , celui - là boitait , presque tous lui semblaient trop gras .
Plus vive , plus charmante , plus gaie que jamais après avoir rejeté deux ou trois prétendus , elle s' élançait dans les fêtes de l' hiver et courait aux bals où ses yeux perçants examinaient les célébrités du jour , où elle se plaisait à exciter des demandes qu' elle rejetait toujours .
La nature lui avait donné en profusion les avantages nécessaires à ce rôle de Célimène .
Grande et svelte , Émilie de Fontaine possédait une démarche imposante ou folâtre , à son gré .
Son col un peu long lui permettait de prendre de charmantes attitudes de dédain et d' impertinence .
Elle s' était fait un fécond répertoire de ces airs de tête et de ces gestes féminins qui expliquent si cruellement ou si heureusement les demi - morts et les sourires .

LE BAL DE SCEAUX (I, privé)
Page: 120