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Ces sentiments n' avaient pas échappé à l' oeil observateur de M . de Fontaine , qui plus d' une fois , lors du mariage de ses deux premières filles , eut à gémir des sarcasmes et des bons mots d' Émilie . Les gens logiques s' étonneront d' avoir vu le vieux vendéen donnant sa première fille à un receveur général qui possédait bien à la vérité , quelques anciennes terres seigneuriales , mais dont le nom n' était pas précédé de cette particule à laquelle le trône du tant de défenseurs , et la seconde à un magistrat trop récemment baronifié pour faire oublier que le père avait vendu des fagots . Ce notable changement dans les idées du noble , au moment où il atteignait sa soixantième année , époque à laquelle les hommes quittent rarement leurs croyances , n' était pas dû seulement à la déplorable habitation de la moderne Babylone où tous les gens de province finissent par perdre leurs rudesses ; la nouvelle conscience politique du comte de Fontaine était encore le résultat des conseils et de l' amitié du roi .
Ce prince philosophe avait pris plaisir à convertir le vendéen aux idées qu' exigeaient la marche du dix - neuvième siècle et la rénovation de la monarchie .
Louis XVIII voulait fondre les partis , comme Napoléon avait fondu les choses et les hommes .
Le roi légitime , peut - être aussi spirituel que son rival , agissait en sens contraire .
Le dernier chef de la maison de Bourbon était aussi empressé à satisfaire le tiers état et les gens de l' Empire , en contenant le clergé , que le premier des Napoléon fut jaloux d' attirer auprès de lui les grands seigneurs ou de doter l' Église .
Confident des royales pensées , le conseiller d' État était insensiblement devenu l' un des chefs les plus influents et les plus sages de ce parti modéré qui désirait vivement , au nom de l' intérêt national , la fusion des opinions .
Il prêchait les coûteux principes du gouvernement constitutionnel et secondait de toute sa puissance les jeux de la bascule politique qui permettait à son maître de gouverner la France au milieu des agitations .
Peut - être M . de Fontaine se flattait - il d' arriver à la pairie par un de ces coups de vent législatifs dont les effets si bizarres surprenaient alors les plus vieux politiques .
Un de ses principes les plus fixes consistait à ne plus reconnaître en France d' autre noblesse que la pairie , dont les familles étaient les seules qui eussent des privilèges .
" Une noblesse sans privilèges , disait - il , est un manche sans outil . "
Aussi éloigné du parti du Lafayette que du parti de La Bourdonnaye , il entreprenait avec ardeur la réconciliation générale d' où devaient sortir une ère nouvelle et de brillantes destinées pour la France .

LE BAL DE SCEAUX (I, privé)
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