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Le peintre , qui se connaissait en expression , fut si frappé de ce changement , il vit si bien que le coeur de sa mère s' ouvrait pour lui , qu il la prit dans ses bras , la tint pendant quelques instants serrée , en disant comme un insensé : " O ma mère ! ma mère !
- Ah ! je me sens pardonnée ! dit - elle . Dieu doit confirmer le pardon d' un enfant à sa mère !
- Il te faut du calme , ne te tourmente pas , voilà qui est dit : je me sens aimé pendant ce moment pour tout le passé " , s' écria Joseph en replaçant sa mère sur l' oreiller .
Pendant les deux semaines que dura le combat entre la vie et la mort chez cette sainte créature , elle eut pour Joseph des regards , des mouvements d' âme et des gestes où éclatait tant d' amour qu' il semblait que , dans chacune de ses effusions , il y eût toute une vie ... La mère ne pensait plus qu' à son fils , elle se comptait pour rien ; et , soutenue par son amour , elle ne sentait plus ses souffrances .
Elle eut de ces mots naïfs comme en ont les enfants .
D' Arthez , Michel Chrestien , Fulgence Ridal , Pierre Grassou , Bianchon venaient tenir compagnie à Joseph , et discutaient souvent à voix basse dans la chambre de la malade .
" Oh ! comme je voudrais savoir ce que c' est que la couleur ! " s' écria - t - elle un soir en entendant une discussion sur un tableau .
De son côté , Joseph fut sublime pour sa mère ; il ne quitta pas la chambre , il dorlotait Agathe dans son coeur , il répondait à cette tendresse par une tendresse égale . Ce fut pour les amis de ce grand peintre un de ces beaux spectacles qui ne s' oublient jamais .
Ces hommes qui tous offraient l' accord d' un vrai talent et d' un grand caractère furent pour Joseph et pour sa mère ce qu' ils devaient être : des anges qui priaient , qui pleuraient avec lui , non pas en disant des prières et répandant des pleurs ; mais en s' unissant à lui par la pensée et par l' action .
En artiste aussi grand par le sentiment que par le talent , Joseph devina , par quelques regards de sa mère , un désir enfoui dans ce coeur , et dit un jour à d' Arthez : " Elle a trop aimé ce brigand de Philippe pour ne pas vouloir le revoir avant de mourir ... "

LA RABOUILLEUSE (IV, provinc)
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