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- Non , dit le vieillard d' une voix douce . Hélas ! votre vie paraît être pure et votre âme semble être sans tache ; mais l' oeil de Dieu , pauvre créature affligée , est plus pénétrant que celui de ses ministres ! J' y vois clair un peu trop tard , car vous m' avez abusé moi - même . "
En entendant ces mots prononcés par une bouche qui n' avait eu jusqu' alors que des paroles de paix et de miel pour elle , Agathe se dressa sur son lit en ouvrant des yeux pleins de terreur et d' inquiétude .
" Dites ! dites , s' écria - t - elle .
- Consolez - vous ! reprit le vieux prêtre . à la manière dont vous êtes punie , on peut prévoir le pardon . Dieu n' est sévère ici - bas que pour ses élus . Malheur à ceux dont les méfaits trouvent des hasards favorables , ils seront repétris dans l' Humanité jusqu' à ce qu' ils soient durement punis à leur tour pour de simples erreurs , quand ils arriveront à la maturité des fruits célestes .
Votre vie , ma fille , n' a été qu' une longue faute .
Vous tombez dans la fosse que vous vous êtes creusée , car nous ne manquons que par le côté que nous avons affaibli en nous . Vous avez donné votre coeur à un monstre en qui vous avez vu votre gloire , et vous avez méconnu celui de vos enfants en qui est votre gloire véritable ! Vous avez été si profondément injuste que vous n' avez pas remarqué ce contraste si frappant : vous tenez votre existence de Joseph , tandis que votre autre fils vous a constamment pillée .
Le fils pauvre , qui vous aime sans être récompensé par une tendresse égale , vous apporte votre pain quotidien ; tandis que le riche , qui n' a jamais songé à vous et qui vous méprise , souhaite votre mort .
- Oh ! pour cela ! ... dit - elle .
- Oui , reprit le prêtre , vous gênez par votre humble condition les espérances de son orgueil ... Mère , voilà vos crimes ! Femme , vos souffrances et vos tourments vous annoncent que vous jouirez de la paix du Seigneur .
Votre fils Joseph est si grand que sa tendresse n' a jamais été diminuée par les injustices de votre préférence maternelle , aimez - le donc bien ! donnez - lui tout votre coeur pendant ces derniers jours ; enfin priez pour lui , moi je vais aller prier pour vous .
"

LA RABOUILLEUSE (IV, provinc)
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