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Un jour de cérémonie publique , Philippe avait effacé l' odieux spectacle de sa misère sur le quai de l' École , en passant devant sa mère au même endroit , en avant du Dauphin , avec des aigrettes à son schapska , avec un dolman brillant d' or et de fourrures ! Devenue pour l' artiste une espèce de soeur grise dévouée , Agathe ne se sentait mère que pour l' audacieux aide de camp de S .
A . R . Monseigneur le Dauphin ! Fière de Philippe , elle lui devrait bientôt l' aisance , elle oubliait que le bureau de loterie dont elle vivait lui venait de Joseph . Un jour , Agathe vit son pauvre artiste si tourmenté par le total du mémoire de son marchand de couleurs que , tout en maudissant les Arts , elle voulut le libérer de ses dettes .
La pauvre femme , qui tenait la maison avec les gains de son bureau de loterie , se gardait bien de jamais demander un liard à Joseph .
Aussi n' avait - elle pas d' argent ; mais elle comptait sur le bon coeur et sur la bourse de Philippe . Elle attendait , depuis trois ans , de jour en jour , la visite de son fils ; elle le voyait lui apportant une somme énorme , et jouissait par avance du plaisir qu' elle aurait à la donner à Joseph , dont l' opinion sur Philippe était toujours aussi invariable que celle de Desroches .
à l' insu de Joseph , elle écrivit donc à Philippe la lettre suivante :
" à Monsieur le comte de Brambourg .
" Mon cher Philippe , tu n' as pas accordé le plus petit souvenir à ta mère en cinq ans ! Ce n' est pas bien . Tu devrais te rappeler un peu le passé , ne fût - ce qu' à cause de ton excellent frère . Aujourd' hui Joseph est dans le besoin , tandis que tu nages dans l' opulence ; il travaille pendant que tu voles de fêtes en fêtes .
Tu possèdes à toi seul la fortune de mon frère . Enfin , tu aurais , à entendre le petit Borniche , deux cent mille livres de rente .
Eh bien , viens voir Joseph ! Pendant ta visite , mets dans la tête de mort une vingtaine de billets de mille francs : tu nous les dois , Philippe ; néanmoins , ton frère se croira ton obligé , sans compter le plaisir que tu feras à ta mère
" AGATHE BRIDAU ( née Rouget ) . "

LA RABOUILLEUSE (IV, provinc)
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