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" Ah ! c' est là votre journal , en avez - vous un autre ? - Non , dit le garçon , c' est le seul . " Le capitaine déchire la feuille de l' Opposition , la jette en morceaux , et crache dessus en disant : " Des dominos ! " En dix minutes , la nouvelle de l' insulte faite à l' Opposition constitutionnelle et au libéralisme dans la personne du sacro - saint journal , qui attaquait les prêtres avec le courage et l' esprit que vous savez , courut par les rues , se répandit comme la lumière dans les maisons ; on se la conta de place en place . Le même mot fut à la fois dans toutes les bouches : " Avertissons Max ! " Max sut bientôt l' affaire . Les officiers n' avaient pas fini leur partie de dominos que Max , accompagné du commandant Potel et du capitaine Renard , suivi de trente jeunes gens curieux de voir la fin de cette aventure et qui presque tous restèrent groupés sur la Place d' Armes , entra dans le café .
Le café fut bientôt plein .
" Garçon , mon journal ? " dit Max d' une voix douce . On joua une petite comédie . La grosse femme , d' un air craintif et conciliateur , dit : " Capitaine , je l' ai prêté .
- Allez le chercher , s' écria un des amis de Max . - Ne pouvez - vous pas vous passer du journal ? dit le garçon , nous ne l' avons plus . " Les jeunes officiers riaient et jetaient des regards en coulisse sur les bourgeois .
" On l' a déchiré ! s' écria un jeune homme de la ville en regardant aux pieds du jeune capitaine royaliste . - Qui donc s' est permis de déchirer le journal ? demanda Max d' une voix tonnante , les yeux enflammés et se levant les bras croisés .
- Et nous avons craché dessus , répondirent les trois jeunes officiers en se levant et regardant Max . - Vous avez insulté toute la ville , dit Max devenu blême .
- Eh bien , après ? ... " demanda le plus jeune officier . Avec une adresse , une audace et une rapidité que ces jeunes gens ne pouvaient prévoir , Max appliqua deux soufflets au premier officier qui se trouvait en ligne , et lui dit : " Comprenez - vous le français ? " On alla se battre dans l' allée de Frapesle , trois contre trois .
Potel et Renard ne voulurent jamais permettre que Maxence Gilet fît raison à lui seul aux officiers .
Max tua son homme . Le commandant Potel blessa si grièvement le sien que le malheureux , un fils de famille , mourut le lendemain à l' hôpital où il fut transporté .
Quant au troisième , il en fut quitte pour un coup d' épée et blessa le capitaine Renard , son adversaire . Le bataillon partit pour Bourges dans la nuit . Cette affaire , qui eut du retentissement en Berry , posa définitivement Maxence Gilet en héros .

LA RABOUILLEUSE (IV, provinc)
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