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Mais , sur une question de Joseph relative à ses moyens pécuniaires , il garda le silence . Par hasard il n' y avait pas de journal le lendemain à cause d' une fête , et Philippe , pour en finir , proposa de venir poser le lendemain . Joseph lui représenta que l' époque du Salon approchait , il n' avait pas l' argent des deux cadres pour ses tableaux , et ne pouvait se le procurer qu' en achevant la copie d' un Rubens que voulait avoir un marchand de tableaux nommé Magus .
L' original appartenait à un riche banquier suisse qui ne l' avait prêté que pour dix jours , la journée de demain était la dernière , il fallait donc absolument remettre la séance au prochain dimanche .
" C' est ça ? dit Philippe en regardant le tableau de Rubens posé sur un chevalet .
- Oui , répondit Joseph . Cela vaut vingt mille francs . Voilà ce que peut le génie . Il y a des morceaux de toile qui valent des cent mille francs .
- Moi , j' aime mieux ta copie , dit le dragon .
- Elle est plus jeune , dit Joseph en riant ; mais ma copie ne vaut que mille francs . Il me faut demain pour lui donner tous les tons de l' original et la vieillir afin qu' on ne les reconnaisse pas .
- Adieu , ma mère , dit Philippe en embrassant Agathe . à dimanche prochain . "
Le lendemain , Élie Magus devait venir chercher sa copie . Un ami de Joseph , qui travaillait pour ce marchand , Pierre Grassou , voulut voir cette copie finie . Pour lui jouer un tour , en l' entendant frapper , Joseph Bridau mit sa copie vernie avec un vernis particulier à la place de l' original , et plaça l' original sur son chevalet .
Il mystifia complètement Pierre Grassou de Fougères , qui fut émerveillé de ce tour de force .
" Tromperais - tu le vieil Élie Magus ? lui dit Pierre Grassou .
- Nous allons voir " , dit Joseph .
Le marchand ne vint pas , il était tard . Agathe dînait chez Mme Desroches qui venait de perdre son mari . Joseph proposa donc à Pierre Grassou de venir à sa table d' hôte . En descendant il laissa suivant ses habitudes , la clef de son atelier à la portière .
" Je dois poser ce soir , dit Philippe à la portière une heure après le départ de son frère . Joseph va revenir et je vais l' attendre dans l' atelier . "

LA RABOUILLEUSE (IV, provinc)
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