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Le généreux artiste sauta sur les numéros , s' élança dans l' escalier et courut faire la mise . Quand Joseph ne fut plus là , Agathe et la Descoings fondirent en larmes .
" Il y va , le cher amour , s' écriait la joueuse . Mais ce sera tout pour lui , car c' est son argent ! "
Malheureusement Joseph ignorait entièrement la situation des bureaux de loterie que , dans ce temps , les habitués connaissaient dans Paris comme aujourd' hui les fumeurs connaissent les débits de tabac .
Le peintre alla comme un fou regardant les lanternes . Lorsqu' il demanda à des passants de lui enseigner un bureau de loterie , on lui répondit qu' ils étaient fermés , mais que celui du Perron au Palais - Royal restait quelquefois ouvert un peu plus tard .
Aussitôt l' artiste vola vers le Palais - Royal , où il trouva le bureau fermé .
" Deux minutes de moins et vous auriez pu faire votre mise " , lui dit un des crieurs de billets qui stationnaient au bas du Perron en vociférant ces singulières paroles : " Douze cents francs pour quarante sous ! " et offrant des billets tout faits .
à la lueur du réverbère et des lumières du café de la Rotonde , Joseph examina si par hasard il y aurait sur ces billets quelques - uns des numéros de la Descoings ; mais il n' en vit pas un seul , et revint avec la douleur d' avoir fait en vain tout ce qui dépendait de lui pour satisfaire la vieille femme , à laquelle il raconta ses disgrâces .
Agathe et sa tante allèrent ensemble à la messe de minuit à Saint - Germain - des - Prés .
Joseph se coucha . Le réveillon n' eut pas lieu . La Descoings avait perdu la tête , Agathe avait au coeur un deuil éternel . Les deux femmes se levèrent tard . Dix heures sonnèrent quand la Descoings essaya de se remuer pour faire le déjeuner , qui ne fut prêt qu' à onze heures et demie .
Vers cette heure , des cadres oblongs appendus au - dessus de la porte des bureaux de loterie contenaient les numéros sortis .
Si la Descoings avait eu son billet , elle serait allée à neuf heures et demie rue Neuve - des - Petits - Champs savoir son sort , qui se décidait dans un hôtel contigu au ministère des Finances , et dont la place est maintenant occupée par le théâtre et la place Ventadour .

LA RABOUILLEUSE (IV, provinc)
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