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Philippe se montra mauvais joueur . Après avoir d' abord gagné beaucoup , il perdit ; puis , vers onze heures , il devait cinquante francs à Desroches fils et à Bixiou . Le tapage et les disputes de la table d' écarté résonnèrent plus d' une fois aux oreilles des paisibles joueurs de boston , qui observèrent Philippe à la dérobée . Le proscrit donna les preuves d' une si mauvaise nature que , dans sa dernière querelle où Desroches fils , qui n' était pas non plus très bon , se trouvait mêlé , Desroches père , quoique son fils eût raison , lui donna tort et lui défendit de jouer , Mme Descoings en fit autant avec son petit - fils , qui commençait à lancer des mots si spirituels , que Philippe ne les comprit pas , mais qui pouvaient mettre ce cruel railleur en péril au cas où l' une de ses flèches barbelées fût entrée dans l' épaisse intelligence du colonel .
" Tu dois être fatigué , dit Agathe à l' oreille de Philippe , viens te coucher .
- Les voyages forment la jeunesse " , dit Bixiou en souriant quand le colonel et Mme Bridau furent sortis .
Joseph , qui se levait au jour et se couchait de bonne heure , ne vit pas la fin de cette soirée . Le lendemain matin , Agathe et la Descoings , en préparant le déjeuner dans la première pièce , ne purent s' empêcher de penser que les soirées seraient excessivement chères , si Philippe continuait à jouer ce jeu - là , selon l' expression de la Descoings .
Cette vieille femme , alors âgée de soixante - seize ans , proposa de vendre son mobilier , de rendre son appartement au second étage au propriétaire qui ne demandait pas mieux que de le reprendre , de faire sa chambre du salon d' Agathe , et de convertir la première pièce en un salon où l' on mangerait .
On économiserait ainsi sept cents francs par an .
Ce retranchement dans la dépense permettrait de donner cinquante francs par mois à Philippe en attendant qu' il se plaçât .
Agathe accepta ce sacrifice . Lorsque le colonel descendit , quand sa mère lui eut demandé s' il s' était trouvé bien dans sa petite chambre , les deux veuves lui exposèrent la situation de la famille .
Mme Descoings et Agathe possédaient , en réunissant leurs revenus , cinq mille trois cents francs de rentes , dont les quatre mille de la Descoings étaient viagères . La Descoings faisait six cents francs de pension à Bixiou , qu' elle avouait pour son petit - fils depuis six mois , et six cents francs à Joseph ; le reste de son revenu passait , ainsi que celui d' Agathe , au ménage et à leur entretien .
Toutes les économies avaient été dévorées .

LA RABOUILLEUSE (IV, provinc)
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