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Dès le Consulat , Bridau s' attacha fanatiquement à Napoléon , qui le nomma chef de division en 1804 , un an avant la mort de Rouget . Riche de douze mille francs d' appointements et recevant de belles gratifications , Bridau fut très insouciant des honteux résultats de la liquidation qui se fit à Issoudun , et par laquelle Agathe n' eut rien . Six mois avant sa mort , le père Rouget avait vendu à son fils une portion de ses biens dont le reste fut attribué à Jean - Jacques , tant à titre de donation par préférence qu' à titre d' héritier .
Une avance d' hoirie de cent mille francs , faite à Agathe dans son contrat de mariage , représentait sa part dans la succession de sa mère et de son père .
Idolâtre de l' Empereur , Bridau servit avec un dévouement de séide les puissantes conceptions de ce demi - dieu moderne , qui , trouvant tout détruit en France , y voulut tout organiser .
Jamais le chef de division ne disait : Assez . Projets , mémoires rapports , études , il accepta les plus lourds fardeaux , tant il était heureux de seconder l' Empereur ; il l' aimait comme homme , il l' adorait comme souverain et ne souffrait pas la moindre critique sur ses actes ni sur ses projets .
De 1804 à 1808 , le chef de division se logea dans un grand et bel appartement sur le quai Voltaire , à deux pas de son ministère et des Tuileries .
Une cuisinière et un valet de chambre composèrent tout le domestique du ménage au temps de la splendeur de Mme Bridau .
Agathe , toujours levée la première , allait à la Halle accompagnée de sa cuisinière . Pendant que le domestique faisait l' appartement , elle veillait au déjeuner . Bridau ne se rendait jamais au ministère que sur les onze heures .
Tant que dura leur union , sa femme éprouva le même plaisir à lui préparer un exquis déjeuner , seul repas que Bridau fit avec plaisir . En toute saison , quelque temps qu' il fît lorsqu' il partait , Agathe regardait son mari par la fenêtre allant au ministère , et ne rentrait la tête que quand il avait tourné la rue du Bac .
Elle desservait alors elle - même , donnait son coup d' oeil à l' appartement , puis elle s' habillait , jouait avec ses enfants , les promenait ou recevait ses visites en attendant le retour de Bridau .
Quand le chef de division rapportait des travaux urgents , elle s' installait auprès de sa table , dans son cabinet , muette comme une statue et tricotant en le voyant travailler , veillant tant qu' il veillait , se couchant quelques instants avant lui .
Quelquefois les époux allaient au spectacle dans les loges du ministère .

LA RABOUILLEUSE (IV, provinc)
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