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Bourges , dont la population décroît tous les dix ans , est atteinte de la même maladie sociale . La vitalité déserte ces grands corps . Certes , l' administration est coupable de ces malheurs . Le devoir d' un gouvernement est d' apercevoir ces taches sur le Corps politique , et d' y remédier en envoyant des hommes énergiques dans ces localités malades pour y changer la face des choses .
Hélas ! loin de là , on s' applaudit de cette funeste et funèbre tranquillité . Puis , comment envoyer de nouveaux administrateurs ou des magistrats capables ? Qui de nos jours est soucieux d' aller s' enterrer en des arrondissements où le bien à faire est sans éclat ? Si , par hasard , on y case des ambitieux étrangers au pays , ils sont bientôt gagnés par la force d' inertie , et se mettent au diapason de cette atroce vie de province .
Issoudun aurait engourdi Napoléon .
Par suite de cette situation particulière l' arrondissement d' Issoudun était , en 1822 , administré par des hommes appartenant tous au Berry .
L' autorité s' y trouvait donc annulée ou sans force , hormis les cas , naturellement très rares , où la Justice est forcée d' agir à cause de leur gravité patente .
Le procureur du Roi , M . Mouilleron , était le cousin de tout le monde , et son substitut appartenait à une famille de la ville . Le président du tribunal , avant d' arriver à cette dignité , se rendit célèbre par un de ces mots qui en province coiffent pour toute sa vie un homme d' un bonnet d' âne .
Après avoir terminé l' instruction d' un procès criminel qui devait entraîner la peine de mort , il dit à l' accusé : " Mon pauvre Pierre , ton affaire est claire , tu auras le cou coupé .
Que cela te serve de leçon . " Le commissaire de police , commissaire depuis la Restauration , avait des parents dans tout l' arrondissement .
Enfin , non seulement l' influence de la religion était nulle , mais le curé ne jouissait d' aucune considération . Cette bourgeoisie , libérale , taquine et ignorante , racontait des histoires plus ou moins comiques sur les relations de ce pauvre homme avec sa servante .
Les enfants n' en allaient pas moins au catéchisme , et n' en faisaient pas moins leur première communion , il n' y en avait pas moins un collège , on disait bien la messe , on fêtait toujours les fêtes ; on payait les contributions , seule chose que Paris veuille de la province , enfin le maire y prenait des arrêtés ; mais ces actes de la vie sociale s' accomplissaient par routine .
Ainsi , la mollesse de l' administration concordait admirablement à la situation intellectuelle et morale du pays .

LA RABOUILLEUSE (IV, provinc)
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