----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Je suppose qu' un mari , instruit par les aventures de sa jeunesse , forme le dessein d' imposer un médecin à sa femme dès les premiers jours de son mariage . Tant que son adversaire féminin ne concevra pas le parti qu' elle doit tirer de cet allié , elle se soumettra silencieusement ; mais plus tard , si toutes ses séductions échouent sur l' homme choisi par son mari , elle saisira le moment le plus favorable pour faire cette singulière confidence .
" Je n' aime pas la manière dont le docteur me palpe ! "
Et voilà le docteur congédié .
Ainsi , ou une femme choisit son médecin , ou elle séduit celui qu' on lui impose , ou elle le fait remercier .
Mais cette lutte est fort rare , car la plupart des jeunes gens qui se marient ne connaissent que des médecins imberbes qu' ils se soucient fort peu de donner à leurs femmes , et presque toujours l' Esculape d' un ménage est élu par la puissance féminine .
Alors un beau matin , le docteur sortant de la chambre de madame , qui s' est mise au lit depuis une quinzaine de jours , est amené par elle à vous dire : " Je ne vois pas que l' état dans lequel madame se trouve présente des perturbations bien graves ; mais cette somnolence constante , ce dégoût général , cette tendance primitive à une affection dorsale demandent de grands soins .
Sa lymphe s' épaissit . Il faudrait la changer d' air , l' envoyer aux eaux de Barèges , ou aux eaux de Plombières .
- Bien docteur . "
Vous laissez aller votre femme à Plombières ; mais elle y va parce que le capitaine Charles est en garnison dans les Vosges . Elle revient très bien portante , et les eaux de Plombières lui ont fait merveille .
Elle vous a écrit tous les jours , elle vous a prodigué , de loin , toutes les caresses possibles . Le principe de consomption dorsale a complètement disparu .
Il existe un petit pamphlet , sans doute dicté par la haine ( il a été publié en Hollande ) , mais qui contient des détails fort curieux sur la manière dont Mme de Maintenon s' entendait avec Fagon pour gouverner Louis XIV .
Eh bien , un matin , votre docteur vous menacera , comme Fagon venait en menacer son maître , d' une apoplexie foudroyante , si vous ne vous mettez pas au régime . Cette bouffonnerie assez plaisante , sans doute l' oeuvre de quelque courtisan , et qui a pour titre : Mademoiselle de Saint - Tron , a été devinée par l' auteur moderne qui a fait le proverbe intitulé Le Jeune Médecin .
Mais sa délicieuse scène est bien supérieure à celle dont je cite le titre aux bibliophiles , et nous avouerons avec plaisir que l' oeuvre de notre spirituel contemporain nous a empêché , pour la gloire du dix - septième siècle , de publier les fragments du vieux pamphlet .

MARIAGE PHYSIOLOGIE (XI, analyt)
Page:1158