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Un homme de beaucoup d' esprit avait fait durer sa Lune de Miel environ quatre années ; la Lune décroissait et il commençait à apercevoir l' arc fatal . Sa femme était précisément dans l' état où nous avons représenté toute femme honnête à la fin de notre première partie : elle avait pris du goût pour un assez mauvais sujet , petit , laid ; mais enfin ce n' était pas son mari . Dans cette conjoncture , ce dernier s' avisa d' une coupe de queue de chien qui renouvela , pour plusieurs années , le bail fragile de son bonheur .
Sa femme s' était conduite avec tant de finesse , qu' il eût été fort embarrassé de défendre sa porte à l' amant avec lequel elle s' était trouvée un rapport de parenté très éloignée .
Le danger devenait de jour en jour plus imminent . Odeur de Minotaure se sentait à la ronde . Un soir , le mari resta plongé dans un chagrin profond , visible , affreux . Sa femme en était déjà venue à lui montrer plus d' amitié qu' elle n' en ressentait même au temps de la Lune de Miel ; et dès lors , questions sur questions .
De sa part , silence morne . Les questions redoublent , il échappe à monsieur des réticences , elles annonçaient un grand malheur ! Là , il avait appliqué un moxa japonais qui brûlait comme un auto - da - fé de 1600 .
La femme employa d' abord mille manoeuvres pour savoir si le chagrin de son mari était causé par cet amant en herbe : première intrigue pour laquelle elle déploya mille ruses .
L' imagination trottait ... De l' amant ? il n' en était plus question . Ne fallait - il pas , avant tout , découvrir le secret de son mari ? Un soir , le mari , poussé par l' envie de confier ses peines à sa tendre amie , lui déclare que toute leur fortune est perdue .
Il faut renoncer à l' équipage , à la loge aux Bouffes , aux bals , aux fêtes , à Paris ; peut - être en s' exilant dans une terre , pendant un an ou deux , pourront - ils tout recouvrer ! S' adressant à l' imagination de sa femme , à son coeur , il la peignit de s' être attachée au sort d' un homme amoureux d' elle , il est vrai , mais sans fortune ; il s' arracha quelques cheveux , et force fut à sa femme de s' exalter au profit de l' honneur ; alors , dans le premier délire de cette fièvre conjugale , il la conduisit à sa terre .
Là , nouvelles scarifications , sinapismes sur sinapismes , nouvelles queues de chien coupées : il fit bâtir une aile gothique au château ; madame retourna dix fois le parc pour avoir des eaux , des lacs , des mouvements de terrain , etc . ; enfin le mari , au milieu de cette besogne , n' oubliait pas la sienne : lectures curieuses , soins délicats , etc .

MARIAGE PHYSIOLOGIE (XI, analyt)
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