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MÉDITATION VIII
DES PREMIèRES SYMPTôMES
Lorsque votre femme est dans la crise où nous l' avons laissée , vous êtes , vous , en proie à une douce et entière sécurité . Vous avez tant de fois vu le soleil que vous commencez à croire qu' il peut luire pour tout le monde .
Vous ne prêtez plus alors aux moindres actions de votre femme cette attention que vous donnait le premier feu du tempérament .
Cette indolence empêche beaucoup de maris d' apercevoir les symptômes par lesquels leurs femmes annoncent un premier orage : et cette disposition d' esprit a fait minotauriser plus de maris que l' occasion , les fiacres , les canapés et les appartements en ville .
Ce sentiment d' indifférence pour le danger est en quelque sorte produit et justifié par le calme apparent qui vous entoure . La conspiration ourdie contre vous par notre million de célibataires affamés semble être unanime dans sa marche .
Quoique tous ces damoiseaux soient ennemis les uns des autres et que pas un d' eux ne se connaisse , une sorte d' instinct leur a donné le mot d' ordre .
Deux personnes se marient - elles , les sbires du minotaure , jeunes et vieux , ont tous ordinairement la politesse de laisser entièrement les époux à eux - mêmes . Ils regardent un mari comme un ouvrier chargé de dégrossir , polir , tailler à facettes et monter le diamant qui passera de main en main , pour être un jour admiré à la ronde .
Aussi l' aspect d' un jeune ménage fortement épris réjouit - il toujours ceux d' entre les célibataires qu' on a nommés les Roués , ils se gardent bien de troubler le travail dont doit profiter la société ; ils savent aussi que les grosses pluies durent peu ; ils se tiennent alors à l' écart , en faisant le guet , en épiant , avec une incroyable finesse , le moment où les deux époux commenceront à se lasser du septième ciel .

MARIAGE PHYSIOLOGIE (XI, analyt)
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