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L' exclamation de surprise que jeta la femme du notaire se perdit dans le brouhaha et les bourdonnements de la foule ; quant à Augustine , elle pleura involontairement à l' aspect de cette merveilleuse scène , et par un sentiment presque inexplicable , elle mit un doigt sur ses lèvres en apercevant à deux pas d' elle la figure extatique du jeune artiste . L' inconnu répondit par un signe de tête et désigna Mme Roguin , comme un trouble - fête , afin de montrer à Augustine qu' elle était comprise . Cette pantomime jeta comme un brasier dans le corps de la pauvre fille qui se trouva criminelle , en se figurant qu' il venait de se conclure un pacte entre elle et l' artiste .
Une chaleur étouffante , le continuel aspect des plus brillantes toilettes , et l' étourdissement que produisaient sur Augustine la variété des couleurs , la multitude des figures vivantes ou peintes , la profusion des cadres d' or , lui firent éprouver une espèce d' enivrement qui redoubla ses craintes .
Elle se serait peut - être évanouie , si , malgré ce chaos de sensations , il ne s' était élevé au fond de son coeur une jouissance inconnue qui vivifia tout son être .
Néanmoins , elle se crut sous l' empire de ce démon dont les terribles pièges lui étaient prédits par la tonnante parole des prédicateurs .
Ce moment fut pour elle comme un moment de folie . Elle se vit accompagnée jusqu' à la voiture de sa cousine par ce jeune homme resplendissant de bonheur et d' amour .
En proie à une irritation tout nouvelle , à une ivresse qui la livrait en quelque sorte à la nature , Augustine écouta la voix éloquente de son coeur , et regarda plusieurs fois le jeune peintre en laissant paraître le trouble qui la saisissait .
Jamais l' incarnat de ses joues n' avait formé de plus vigoureux contrastes avec la blancheur de sa peau .
L' artiste aperçut alors cette beauté dans toute sa fleur , cette pudeur dans toute sa gloire . Augustine éprouva une sorte de joie mêlée de terreur , en pensant que sa présence causait la félicité de celui dont le nom était sur toutes les lèvres , dont le talent donnait l' immortalité à de passagères images .
Elle était aimée ! il lui était impossible d' en douter . Quand elle ne vit plus l' artiste , ces paroles simples retentissaient encore dans son coeur : " Vous voyez ce que l' amour m' a inspiré .
" Et les palpitations devenues plus profondes lui semblèrent une douleur , tant son sang plus ardent réveilla dans son être de puissances inconnues .

MAISON CHAT PELOTE (I, privé)
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