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rendre à sa préfecture , il prit par la route où se trouvaient autrefois les Aigues , et il fit arrêter dans l' endroit où étaient jadis les deux pavillons , voulant visiter la commune de Blangy , peuplée de si doux souvenirs pour les deux voyageurs .
Le pays n' était plus reconnaissable .
Les bois mystérieux , les avenues du parc , tout avait été défriché ; la campagne ressemblait à la carte d' échantillons d' un tailleur .
Le paysan avait pris possession de la terre en vainqueur et en conquérant .
Elle était déjà divisée en plus de mille lots , et la population avait triplé entre Couches et Blangy .
La mise en culture de ce beau parc , si soigné , si voluptueux naguère , avait dégagé le pavillon du Rendez - vous , devenu la villa Il Buen - Retiro , de dame Isaure Gaubertin ; c' était le seul bâtiment resté debout , et qui dominait le paysage , ou , pour mieux dire , la petite culture remplaçant le paysage .
Cette construction ressemblait à un château , tant étaient misérables les maisonnettes bâties tout autour , comme bâtissent les paysans .
" Voilà le progrès ! s' écria Émile . C' est une page du Contrat social de Jean - Jacques ! Et moi je suis attelé à la machine sociale qui fonctionne ainsi ! ... Mon Dieu ! que deviendront les rois dans peu ! Mais que deviendront , avec cet état de choses , les nations elles - mêmes dans cinquante ans ? ...
- Tu m' aimes , tu es à côté de moi ; je trouve le présent bien beau , et ne me soucie guère d' un avenir si lointain , lui répondit sa femme .
- Auprès de toi , vive le présent ! dit gaiement l' amoureux Blondet , et au diable l' avenir !
" Puis il fit signe au cocher de partir , et tandis que les chevaux s' élançaient au galop , les nouveaux mariés reprirent le cours de leur lune de miel .

LES PAYSANS (IX, campagn)
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