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Et cet homme avait fini par se regarder comme une des célébrités de la Bourgogne ; les rentes les plus solides ne sont pas les rentes sur l' État , mais celles qu' on se fait en amour - propre . Ce savant , pour employer le système grammatical de Lupin , était heureux , heureux , heureux !
Gourdon le greffier , petit homme chafouin , dont tous les traits se ramassaient autour du nez , en sorte que le nez semblait être le point de départ du front , des joues , de la bouche , qui s' y rattachaient comme les ravins d' une montagne naissent tous du sommet , était regardé comme un des grands poètes de la Bourgogne , un Piron , disait - on .
Le double mérite des deux frères faisait dire d' eux au chef - lieu du département : " Nous avons à Soulanges les deux frères Gourdon , deux hommes très distingués , deux hommes qui tiendraient bien leur place à Paris .
" Joueur excessivement fort au bilboquet , la manie d' en jouer engendra chez le greffier une autre manie , celle de chanter ce jeu , qui fit fureur au dix - huitième siècle .
Les manies chez les médiocrates vont souvent deux à deux .
Gourdon jeune accoucha de son poème sous le règne de Napoléon .
N' est - ce pas vous dire à quelle école saine et prudente il appartenait ? Luce de Lancival , Parny , Saint - Lambert , Rouché , Vigée , Andrieux , Berchoux étaient ses héros .
Delille fut son dieu jusqu' au jour où la première société de Soulanges agita la question de savoir si Gourdon ne l' emportait pas sur Delille , que dès lors le greffier nomma toujours monsieur l' abbé Delille , avec une politesse exagérée .
Les poèmes accomplis de 1780 à 1814 furent taillés sur le même patron , et celui sur le bilboquet les expliquera tous . Ils tenaient un peu du tour de force . Le Lutrin est le Saturne de cette abortive génération de poèmes badins , tous en quatre chants à peu près ; car , d' aller jusqu' à six , il était reconnu qu' on fatiguait le sujet .
Ce poème de Gourdon , nommé La Bilboquéide , obéissait à la poétique de ces oeuvres départementales , invariables dans leurs règles identiques ; elles contenaient dans le premier chant la description de la chose chantée , en débutant , comme chez Gourdon , par une invocation dont voici le modèle :
Je chante ce doux jeu qui sied à tous les âges ,
LES PAYSANS (IX, campagn)
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