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et grenu , vous l' eussiez d' autant mieux comparé à un condor que son nez très long , pincé du bout , aidait encore à cette ressemblance par une coloration sanguinolente .
Sa tête quasi chauve eût effrayé les connaisseurs par un occiput en dos d' âne , indice d' une volonté despotique .
Ses yeux grisâtres , presque voilés par ses paupières à membranes filandreuses , étaient prédestinés à jouer l' hypocrisie .
Deux mèches de couleur indécise , à cheveux si clairsemés qu' ils ne cachaient pas la peau , flottaient au - dessus des oreilles larges , hautes et sans ourlet , trait qui révèle la cruauté dans l' ordre moral quand il n' annonce pas la folie .
La bouche , très fendue et à lèvres minces , annonçait un mangeur intrépide , un buveur déterminé par la tombée des coins qui dessinait deux espèces de virgules où coulaient les jus , où pétillait sa salive quand il mangeait ou parlait .
Heliogabale devait être ainsi .
Son costume invariable consistait en une longue redingote bleue à collet militaire , en une cravate noire , un pantalon et un vaste gilet de drap noir . Ses souliers à fortes semelles étaient garnis de clous à l' extérieur , et à l' intérieur d' un chausson tricoté par sa femme durant les soirées d' hiver . Annette et sa maîtresse tricotaient aussi les bas de Monsieur .
Rigou s' appelait Grégoire . Aussi ses amis ne renonçaient - ils point aux divers calembours que le G du prénom autorisait , malgré l' usage immodéré qu' on en faisait depuis trente ans . On le saluait toujours de ces phrases : " J' ai Rigou ! - Je Ris , goutte ! - Ris , goûte ! Rigoulard , " etc . , mais surtout de Grigou ( G . Rigou ) .
Quoique cette esquisse peigne le caractère , personne n' imaginerait jamais jusqu' où , sans opposition et dans la solitude , l' ancien bénédictin avait poussé la science de l' égoïsme , celle du bien - vivre et la volupté sous toutes les formes . D' abord , il mangeait seul , servi par sa femme et par Annette qui se mettaient à table avec Jean , après lui , dans la cuisine , pendant qu' il digérait son dîner , qu' il cuvait son vin en lisant les nouvelles .
à la campagne , on ne connaît pas les noms propres des journaux , ils s' appellent tous les nouvelles .
Le dîner , de même que le déjeuner et le souper , toujours composés de choses exquises , étaient cuisinés avec cette science qui distingue les gouvernantes de curé entre toutes les
LES PAYSANS (IX, campagn)
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