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Niseron .
La seule et unique couche de sa fille , Mme Soudry la jeune , avait décimé les dents , fait tomber les cils , terni les yeux , gauchi la taille , flétri le teint .
Il semblait que le doigt de Dieu se fût appesanti sur l' épouse du prêtre .
Comme toutes les riches ménagères de la campagne , elle jouissait de voir ses armoires pleines de robes de soie , ou en pièces ou faites et neuves , de dentelles , de bijoux qui ne lui servaient jamais qu' à faire commettre le péché d' envie , à faire souhaiter sa mort aux jeunes servantes de Rigou .
C' était un de ces êtres moitié femmes , moitié bestiaux , nés pour vivre instinctivement .
Cette ex - belle Arsène étant désintéressée , le legs du feu curé Niseron serait inexplicable sans le curieux événement qui l' inspira , et qu' il faut rapporter pour l' instruction de l' immense tribu des Héritiers .
Mme Niseron , la femme du vieux sacristain , comblait d' attentions l' oncle de son mari , car l' imminente succession d' un vieillard de soixante - douze ans , estimée à quarante et quelques mille livres , devait mettre la famille de l' unique héritier dans une aisance assez impatiemment attendue par feu Mme Niseron , laquelle , outre son fils , jouissait d' une charmante petite fille , espiègle , innocente , une de ces créatures qui ne sont peut - être accomplies que parce qu' elles doivent disparaître , car elle mourut à quatorze ans des pâles couleurs , le nom populaire de la chlorose .
Feu follet du presbytère , cette enfant allait chez son grand - oncle le curé comme chez elle , elle y faisait la pluie et le beau temps , elle aimait Mlle Arsène , la jolie servante que son oncle put prendre en 1788 , à la faveur de la licence introduite dans la discipline par les premiers orages révolutionnaires . Arsène , nièce de la vieille gouvernante du curé , fut appelée pour la suppléer , car en se sentant mourir , la vieille Mlle Pichard voulait sans doute faire transporter ses droits à la belle Arsène .
En 1791 , au moment où le curé Niseron offrit un asile à dom Rigou et au frère Jean , la petite Niseron se permit une espièglerie fort innocente . En jouant avec Arsène et d' autres enfants à ce jeu qui consiste à cacher chacun à son tour un objet que les autres cherchent et qui fait crier : " Tu brûles ou tu gèles " , selon que les chercheurs s' en éloignent ou s' en approchent , la petite Geneviève eut l' idée de fourrer le soufflet de la salle dans le lit d' Arsène . Le
LES PAYSANS (IX, campagn)
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